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Les robots auront-ils la peau des traders?

Un trader de la New York Stock Exchange (NYSE) de Wall Street en plein travail

Un trader de la New York Stock Exchange (NYSE) de Wall Street en plein travail - SPENCER PLATT / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Depuis une dizaine d’années, les algorithmes de trading sont de plus en plus présents sur les marchés financiers, au détriment des traders dont le nombre tend à diminuer. A Wall Street et à la City, les ordinateurs prennent le pas sur les humains. Le métier de trader est-il menacé?

277... C’est le nombre de banquiers issus des plus grands établissements bancaires français (BNP Paribas, Société Générale, Natixis) dont le salaire a dépassé le million d’euros en 2014. Ces "stars du trading" sont pourtant menacées, depuis une dizaine d’années, par l’arrivée sur les marchés financiers d’un nouvel intervenant: les algorithmes de trading, ces programmes informatiques ultra-rapides qui détectent et exploitent, en une dizaine de millisecondes, les inefficiences de marché. Les opérateurs de marché sont désormais confrontés à l’arrivée des machines qui grappillent de plus en plus leur espace de travail.

De plus en plus utilisé par les institutions financières, le trading automatique représente près de 60% des transactions quotidiennes mondiales, et près de 80% rien qu’à Wall Street. Preuve de leur importance, un robot-trader a été responsable en 2010 d’un krach éclair sur le Dow Jones l’indice phare américain, ce dernier perdant près de 1.000 points (-9,2%) en l’espace de 10 minutes. Le métier de trader est clairement mis à mal par l'arrivée des algorithmes. Chronique d'une mort annoncée?

Des algorithmes plus rentables

Pour les traders, les ennuis ont commencé en 2008. Touchés de plein fouet par la crise, les géants de la banque et de la finance cherchent à réduire leur masse salariale. Les licenciements se multiplient. Et ces départs sont compensés par l'acquisition d'algorithmes de trading plus efficaces et rentables. "Dans les années 90, les traders gagnaient des fortunes, or, aujourd’hui, beaucoup ont été éliminés des marchés, parce que l’on n’a plus besoin d’eux. Il suffit en effet d’avoir un programme qui dit 'j’achète, je vends' pour passer des ordres" souligne Thami Kabbaj, ex-trader en banque d’affaires, qui a monté son école de trading à Dubaï. Mais surtout, les banquiers se sont réorientés sur des métiers à plus haute forte valeur ajoutée. Pour Thami Kabbaj, "les courtiers n’interviennent plus que dans le qualitatif": "On aura donc toujours besoin d’une expertise humaine sur les métiers demandant une certaine technicité comme sur les produits structurés."

Chahutés comme jamais par les algorithmes, les traders font également face à l'arrivée massive des fintech. Ces start-up, qui proposent des technologies afin de repenser les services financiers et bancaires, font désormais trembler les plus haute sphères de la finance. Ce que confirme Thami Kabbaj: "le métier traditionnel de banquier est mis en danger par ces start-up qui sont en train d'automatiser certaines tâches, ce qui était autrefois impensable". Désormais, des banques comme BNP Paribas s'intéressent de près à ces sociétés.

La première institution financière française en termes de capitalisation boursière parraine depuis mars dernier, huit Fintech-Assurtech, qui ont intégré le programme Open Innovation du groupe pour répondre aux besoins exprimés par les métiers de BNP Paribas sur des problématiques aussi variées que la cyber-sécurité, l’expérience client, l’assurance ou le paiement. Pour Yoann Jaffré, Directeur de l’Open Innovation Lab, il n'y a pas de concurrence entre start-up et banques traditionnelles. Au contraire, elles sont "des alliés pour repenser ensemble la banque et l’assurance de demain".

Une surveillance par les humains reste indispensable

Pour autant, les traders vont-ils disparaître complètement des salles de marchés? Probablement pas, car les algorithmes ne possèdent pas encore la dimension psychologique. Une surveillance par les humains reste indispensable. Frédéric Rollin, stratégiste en investissement à Pictet Asset Management partage ce point de vue. À l'en croire, ces robots ne peuvent pas être totalement autonomes: "il y a toujours un responsable prêt à appuyer sur le bouton On/Off, au cas où l’algorithme ne fonctionnerait pas comme il le faut. La crise de 2008 a montré qu’il faut apprendre à lâcher un peu les algorithmes".

Ainsi, la plupart des grandes bourses européennes (dont celle de Paris) se sont installées en banlieue de Londres, dans un gigantesque hangar, dans laquelle des machines sont réunies ensemble mais restent surveillées par des contrôleurs, comme l’explique le chercheur en anthropologie Alexandre Laumonier. Trader chez Darwinex, Nicolas Faucheur estime même qu’il est possible d’avoir de meilleurs résultats qu'un algorithme "à condition toutefois d’être aussi, voire plus performant, en jouant sur des terrains différents".

Si Nicolas Bischoff, ancien analyste quantitatif à Londres, est convaincu que le métier de trader est voué à s’automatiser, Frédéric Rollin estime pour sa part que celui-ci "a de l’avenir". Rendez-vous dans dix ans pour savoir qui des deux aura eux raison. 

Farès Bendjouadi