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Marchés obligataires: la BCE contre-attaque par un coup de maître

La BCE a décidé d'adresser un message fort aux marchés : elle est prête à tout pour que son plant de rachat d'actifs stimule l'économie, quitte à en faire plus que prévu.

La BCE a décidé d'adresser un message fort aux marchés : elle est prête à tout pour que son plant de rachat d'actifs stimule l'économie, quitte à en faire plus que prévu. - Boris Roessler - AFP

Après 3 semaines d’instabilité sur les marchés de dette européens, la BCE a décidé de réagir. Deux responsables-clés ce matin ont annoncé un renforcement de l’actuel plan de rachat d’actifs pour l’été. Un coup de maître que les marchés apprécient.

Un timing absolument parfait. Que les interventions de Benoît Coeuré, membre du conseil de la BCE, et de Christian Noyer, le patron de la Banque de France, interviennent pile après une reprise du mouvement de hausse du dollar à court-terme, n’est peut-être que le fruit du hasard. Mais le signal que les marchés attendaient intervient au meilleur moment.

Forte hausse des marchés boursiers, nette détente sur les taux d’intérêts, et même un euro passé en une matinée d’1,1320 face au dollar à quasiment 1,1130 !

Facteurs saisonniers

Face à l’extraordinaire défi auquel est confrontée la BCE depuis 3 semaines, voyant les taux des dettes souveraines grimper à nouveau alors qu’elle voulait les maintenir le plus bas possible, et avec une forte volatilité, les responsables étaient contraints de réagir.

La BCE s’appuie tout d’abord sur des considérations techniques. Benoît Coeuré a annoncé que les rachats d’actifs de la BCE, les achats de dette souveraine sur le marché secondaire, allaient "augmenter légèrement" aux mois de mai et juin, juste avant l’été.

Stabiliser le marché obligataire

Pourquoi ? Parce que la saison estivale est traditionnellement pauvre en volumes, et déjà que le risque principal sur le marché obligataire est de se retrouver en panne sèche d’actifs à racheter, lorsque la liquidité devient rare, on risque des blocages ou des soucis dans les opérations de refinancement.

On peut assister à de mauvais résultats sur les émissions de dettes souveraines sur certaines échéances, provoquant de soudaines tensions, et l’impression d’une défiance de la part des investisseurs, qui pourrait encore se faire tendre les rendements.

Vigilance face à la volatilité

Donc la BCE assure que même pour réagir à des variations saisonnières de court terme, elle est prête à aller plus loin, et augmenter le débit de la pompe à cash pour alimenter le marché. Quelques milliards de plus par rapport aux 60 milliards d’euros de montant de rachats mensuels, mais le signal et suffisamment fort pour montrer que la BCE doit rester et restera maître du jeu.

La mesure est-elle en rapport avec la forte volatilité sur les marchés de taux ces dernières semaines ? Benoît Coeuré répond bien évidemment que non… Dans le sens où la BCE n’a pas à réagir aux spéculations de court terme. Il estime que la correction dans le mouvement de forte baisse depuis le début du Quantitative Easing de la BCE était nécessaire, que le mouvement en lui-même ne l’inquiète pas, mais qu’en revanche il faut être vigilant face à la volatilité. 

Premiers résultats en matière d’inflation

Et en assurant justement la liquidité et en étant prêt à ajuster les rachats d’actifs pour fluidifier le marché, la BCE montre qu’elle est indirectement prête à faire face aussi à ces mouvements violents, puisque plus le marché est alimenté, moins la volatilité est forte.

Fermeté de ton aussi du côté de Christian Noyer, le Gouverneur de la Banque de France. Il estime que le plan de rachats d’actifs de la BCE commence à donner des effets sur les projections d’inflation et sur les fondamentaux économiques de la zone, que la Banque Centrale doit continuer et qu’elle est même prête à aller plus loin.

Message aux marchés

Donc une double assurance pour les marchés où les investisseurs, effectivement, ont été tenté ces derniers temps de jouer contre la BCE, vendant en masse leurs obligations, provoquant une hausse des taux et des doutes mêmes sur la capacité d’action de la BCE à mener à son terme sa politique de rachats et même sa stratégie à ce sujet.

Et par-dessus tout, un message clair aux spéculateurs et grands fonds de gestion qui ont conseillé à tout le monde de vendre les obligations européennes et particulièrement allemandes ces dernières semaines : ce ne sont pas eux qui feront le marché.

Retrouver les bons niveaux d’équilibres

Enfin message aussi à l’ensemble du secteur financier qui a suivi le mouvement, souhaitant pousser les taux sur un niveau d’équilibre acceptable, autant pour lui que pour la BCE : les niveaux doivent continuer à s’ajuster, avec comme seule priorité de faire circuler l’argent au mieux dans l’ensemble de la zone zuro.

Certes le chemin est encore long avant de retrouver les niveaux d’il y a encore un mois-un mois et demi, où les taux allemands 10 ans étaient bien partis pour devenir négatifs, on est remontés du coté de 0,6%, après 0,05% au plus bas.

Mais en attendant que les projections de politiques monétaires de la FED deviennent un peu plus claires, la BCE en tout cas démontre sa détermination, sa volonté, et sa science du pilotage dans une phase de vol à vue totalement expérimentale en matière de politique monétaire.

Antoine Larigaudrie