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Matières premières : un rebond en trompe-l’oeil

Malgré un très fort rebond de l'ensemble des matières premières de base, dont les minerais et le pétrole, fort peu d'analystes sont en faveur d'un réel retournement de tendance.

Malgré un très fort rebond de l'ensemble des matières premières de base, dont les minerais et le pétrole, fort peu d'analystes sont en faveur d'un réel retournement de tendance. - Patrik Stollarz - AFP

Depuis 3 semaines environ, le rebond des marchés boursiers a avant tout comme moteur une très nette reprise sur les cours des matières premières, pétrole et minerais en tête. Est-ce pour autant le signe qu’on est sorti de la lourde phase de correction qui dure depuis près d’un an?

+32,4%! Un tiers de capitalisation boursière en plus… C’est ce que regagne ArcelorMittal sur le dernier mois de bourse. Et c’est sans doute le reflet le plus spectaculaire du retournement de tendance actuel autour des matières premières.

Depuis plusieurs années, le groupe n’arrête pas de décevoir en matière de prévisions et de profitabilité, très dépendant du climat actuel sur le marché de l’acier, qui est en crise. ArcelorMittal est en particulier un des premiers sidérurgistes à s’être inquiété publiquement des pratiques anticoncurrentielles de ses homologues chinois.

Quand le monde des métaux se réveille

Et malgré un profil de risque très élevé, des recapitalisations régulières et de gros doutes sur la capacité des grands métallurgistes à pouvoir conserver des capacités de marge dans les années à venir, le titre ArcelorMittal est pourtant racheté en masse. Même chose pour Aperam, ex-filiale du groupe, spécialisée dans l’inox, qui reprend 27%.

C’est le cas aussi de toute la filière métallurgique, de la mine au produit fini. Avec des performances très positives de la part du minier Eramet notamment, qui reprend 7% sur un mois, Imerys (3%), voire carrément impressionnantes pour Nexans, spécialiste des câbles en cuivre, et très dépendant des cours, qui reprend 10%. La tendance se vérifie aussi avec le fabricant de batteries Saft qui regagne 17,6%.

Investisseurs échaudés

Et depuis une semaine, ce sont tous les cours des minerais et métaux de base qui s’affolent: +3% pour le zinc, +4,5% pour le cuivre, +5,5% pour l’acier fini, +7% pour le nickel et +16,7% pour le platine. Quant au minerai de fer, il a signé lundi 7 mars sa plus forte hausse quotidienne jamais enregistrée, +19%!

Ce rebond est-il durable pour autant? Très peu y croient pour le moment, tellement échaudés par des mois de baisse ininterrompue. Même la banque d’affaires Goldman Sachs juge que cette forte reprise, notamment sur le minerai de fer, n’est que de très court terme. Le problème numéro un étant bien sûr, comme d’habitude, les perspectives de demande chinoise et l’état réel des stocks du pays.

Stabilisation du pétrole

La plupart des analystes restent pessimistes: l’état actuel de surapprovisionnement du marché, et la politique de dumping chinoise en matière d’exportation vont continuer à peser sur le marché pendant des mois, voire des années.

Même chose pour le pétrole, matière première la plus liée à l’évolution des marchés. La semaine passée aura vu le baril rebondir très nettement, de 30 dollars environ pour le baril de brut léger américain WTI, à près de 40 ce lundi matin pour le Brent de Mer du Nord. Sans véritable explication.

Peu de perspectives d’amélioration fondamentale

Dans le sillage, un redressement spectaculaire des grands noms du secteur en bourse: en un mois, Total reprend 7,7%, Technip 11,7%, Vallourec signant même un spectaculaire +73%!

Là aussi, le marché veut croire à un début de stabilisation, avec l’initiative de gel de la production en Arabie Saoudite et dans plusieurs pays producteurs-clés. Mais de là à ce que cela puisse provoquer un rebond durable des cours sur fond de destockage et de désengorgement du marché, personne n’y croit.

Retour massif sur l’or

En réalité, le marché, comme pour les actions (et ce n’est pas un hasard si les deux phénomènes sont liés, au-delà de simples effets mécaniques), semble vouloir s’auto-persuader en remontant qu’il s’est trop auto-persuadé qu’on était au bord d’une récession mondiale durable! Il corrige ses propres excès en rachetant en masse et sans vrai discernement les matières premières de manière générale.

La meilleure preuve de ce sentiment d’indécision et d’incertitude totale, c’est que l’une de ces matières premières effectue un come-back retentissant après des mois voire des années de disette: l’or! Avec 10% de gains sur l’ensemble du mois de février, l'or signe sa meilleure performance mensuelle depuis janvier 2012. En outre, il cumule 19,6% de gains depuis le début de l’année.

Simple correction des excès?

C’est là l’illustration parfaite du fait que les investisseurs, même s’ils semblent poser des jalons et fixer des points d’équilibre, sont toujours autant perdus en matière de prévision d’évolution des marchés. Et qu’ils cherchent à se couvrir contre la forte volatilité et la montée en puissance de multiples risques.

C’est donc un réveil en trompe l’œil autour des matières premières, qui aura peut-être le mérite d’améliorer les perspectives de tous les grands secteurs industriels liés, mais qui malgré tout n’est aucunement la preuve d’une amélioration fondamentale. La preuve malgré tout que les marchés sont aussi prêts à corriger leurs nombreux excès du moment.

Antoine Larigaudrie