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Monnaie, Petrobras… le Brésil est-il au bord du gouffre?

Avec la chute du Real et la situation préoccupante du pétrolier Petrobras, la Bourse de Sao Paulo craint l'entrée du Brésil dans une période de très fortes turbulences.

Avec la chute du Real et la situation préoccupante du pétrolier Petrobras, la Bourse de Sao Paulo craint l'entrée du Brésil dans une période de très fortes turbulences. - Nelson Almeida - AFP

Le Real, la monnaie brésilienne, vient de toucher un plus bas absolu et historique face au dollar. Après la dégradation du pays par l’agence S&P et des réformes qui tardent à venir, les économistes sont désormais extrêmement pessimistes sur l’avenir de l’ancien Eldorado économique.

"Il y a quelques années, un dîner dans un restaurant de viande à Sao Paulo coûtait plus cher qu’à Manhattan", remarquait hier un trader devises de Wall Street. C’est dire si l’inversion de tendance aura été violente en moins de 2 ans. Il faut dire que le Real brésilien vient de signer son cours le plus bas jamais enregistré contre le Dollar américain, à 4.03.

Une chute de 35% depuis le 1er janvier, qui suivait déjà une dégringolade de 38% sur l’ensemble de 2014. Avec d’un côté une Banque Centrale brésilienne totalement désarmée et qui semble complètement impuissante, et des économistes qui disent ne plus vraiment savoir jusqu’où la glissade peut se poursuivre.

Un retournement de tendance spectaculaire

Le pays, quelques années après avoir été un des eldorados économiques des pays émergents, où tout le monde voulait investir pour conquérir l’ensemble de l’Amérique Latine, est confronté à un mouvement de défiance sans précédent, au sein d’une vague générale de désinvestissement massive des économies émergentes.

Les raisons sont multiples : il faut se rappeler qu'il y a quelques années, le Real était devenu trop fort ! Provoquant du coup une première vague de désinvestissement, pour cause de parités de changes trop défavorables. Mais au lieu de provoquer un retour à l’équilibre, le balancier s’est inversé pour devenir une phase de faiblesse très prononcée du Real.

Cocktail détonant

L’économie brésilienne, en panne de croissance, doit affronter en plus une situation budgétaire inextricable, avec une classe politique fragilisée par des affaires de corruption, et des réformes économiques qui tardent à se matérialiser.

S’est ajouté à ce cocktail détonant une baisse généralisée des cours des matières premières agricoles et industrielles, qui constitue la moitié des ventes à l’export du pays. D’où un affaiblissement des rentrées de devise, et du coup une spirale infernale de problèmes budgétaires et d’inflation. Sans compter les inquiétudes autour de la Chine, un des principaux partenaires économiques du pays.

Petrobras, symbole de la chute brésilienne

Le coup de grâce a peut-être été donné par l’agence Standard And Poor’s, qui a décidé il y a quelques jours de dégrader la note du pays en catégorie spéculative, aggravant le phénomène de fuite de capitaux étrangers, ainsi qu’une vente massive des obligations du pays, ce qui a fait monter les taux d’intérêts au-delà des 6% dernièrement.

Mais l’exemple parfait de ce qu’est en train de vivre le pays est en train de se cristalliser autour de Petrobras, le géant pétrolier brésilien. Le groupe, qui est impliqué qui plus est au cœur d’un des scandales de corruption qui touchent la présidente Dilma Roussef, est en train de devenir une des principales sources d’inquiétude économiques du pays.

Du pinacle aux abymes

Il y a quelques années encore mastodonte incontesté, 2ème entreprise mondiale en termes de capitalisation en 2010, fort de découvertes pétrolières grandioses dans l’Atlantique au large du Brésil, Petrobras avait même été un des principaux acteurs du secteur de l’énergie à émettre des obligations à 100 ans !

Mais la chute vertigineuse des prix du brut est passée par là. Au sein d’un monde où tout se paye en dollar, la matière première comme les investissements lourds. Et Petrobras a dû le payer au prix fort, avec l’impact supplémentaire de la très forte dégradation de la situation au Brésil.

Endettement intenable

Le groupe lui aussi a vu sa note de crédit rétrogradée en catégorie "à Risque" par Standard And Poor’s, et voit le rendement de sa dette augmenter encore, aux environs des 11% désormais. Ce qui accroît la faiblesse du profil du groupe, désormais confronté à une montagne de dettes, qui plus est libellées en dollar, et qui ont tendance à augmenter au fur et à mesure que le Real baisse !

Le résultat, c’est que pour 89 milliards de Reals (l’équivalent actuel de 22 milliards de dollars), l’ensemble de la dette de Petrobras est évaluée désormais à 90 milliards de dollars ! Une situation intenable qui fait craindre chez les analystes une conséquence désormais inéluctable, un défaut partiel du pétrolier sur sa dette, qui scellerait sans doute l’entrée du Brésil dans un état de crise majeur et systémique.

Antoine Larigaudrie