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Une start-up plus qu'étrange inquiète le gendarme de la Bourse américaine

La Securities And Exchange Commission, et le patron de son comité de sanction, Andrew Ceresney, vont avoir fort à faire pour démêler l'épineux dossier Neuromama.

La Securities And Exchange Commission, et le patron de son comité de sanction, Andrew Ceresney, vont avoir fort à faire pour démêler l'épineux dossier Neuromama. - Spencer Platt, Getty Images North America, AFP

1.000 dollars de trésorerie, un chiffre d’affaires nul, une perte de 500 dollars sur 9 mois… Et une capitalisation boursière de 35 milliards! La société Neuromama est dans le collimateur de la SEC qui vient d’ordonner la suspension des cotations du titre.

Serait-ce l'une des plus grosses escroqueries boursières de ces dernières années aux Etats-Unis? Après 332% de hausse depuis le premier janvier, des manquements répétés aux règles de transparence boursière et plusieurs avertissements, la SEC a décidé de suspendre Neuromama, devenu un véritable ovni boursier au comportement pour le moins erratique.

La décision est intervenue après publications des derniers chiffres trimestriels du groupe. Aucun chiffre d’affaires, une perte de 500 dollars sur 9 mois et une trésorerie de 1.000 dollars… Des chiffres peu compatibles avec une société qui revendique une capitalisation boursière de 35 milliards de dollars désormais, l’équivalent des capitalisations réunies de Tesla Motors et de Delta Airlines…

Faux Amazon, faux EBay, faux Google?

Il est même très difficile de comprendre le modèle industriel de Neuromama, tant ses actifs déclarés ressemblent à un Inventaire à la Prévert. Officiellement, le groupe se présente comme la maison-mère d’un moteur de recherche internet, et de sites marchands regroupés sous la marque Neurozone, se présentant comme des concurrents directs d’EBay et d’Amazon.

Mais ce n’est pas tout. Neuromama est aussi fabricant de smartphones et de tablettes! Et ses modèles (NeuroPhone, NeuroBook et NeuroPad) ressemblent à des copies maladroites d’appareils Apple ou Samsung d’ancienne génération.

Divertissement… et énergie nucléaire

Et puis Neuromama semble avoir entamé aussi une diversification dans l’industrie du divertissement, en ouvrant une filiale d’organisation de spectacles à Las Vegas, et gère aussi la carrière d’un obscur chanteur russe, Vladimir Kuzmin, que personne ne semble vraiment connaître dans le Show Business, à part l’américain Michaël Bolton avec qui il a, semble-t-il, collaboré.

Mais il y a plus surréaliste encore. Neuromama se revendique comme un pionnier en matière de recherche sur l’énergie nucléaire. L’entreprise prétend avoir mis au point une technologie révolutionnaire de fusion ionique, permettant de produire de l’énergie à moindre coût, avec une technologie qui s’apparente plus ou moins à celle du réacteur ITER développé à Cadarache. Mais aucune précision et surtout aucun contrat ni aucun client dans le fichier de Neuromama.

Ambigüités en série

Face à la vertigineuse montée du titre en bourse, sa capitalisation spectaculaire, le peu de sérieux dans la structure ou la description du modèle industriel du groupe, et surtout après plusieurs mises en garde, la SEC a décidé de suspendre l’action. Et la procédure elle-même n’a pas été facile, puisque que Neuromama entretient une sérieuse ambiguïté sur sa place réelle de cotation.

Le groupe prétend être cotée sur le célèbre marché électronique Nasdaq, alors qu’il n’est enregistré qu’au Nasdaq OTC Board, une sorte de sous-marché libre, soumis au strict minimum de règles de transparence et d’information aux investisseurs !

Mise en quarantaine

Le gendarme boursier américain soupçonne, en dehors des irrégularités flagrantes constatées, un risque de tromperie pour l’investisseur, et pense même que l’identité réelle des dirigeants et des actionnaires majeurs de Neuromama est fausse. La forte progression du titre et sa capitalisation monstrueuse ayant toutes les chances d’avoir pour origine une vaste manipulation.

En attendant d’en savoir plus sur ce dossier qui pourrait avoir de sérieuses conséquences, l’autorité boursière américaine a mis Neuromama sous quarantaine, et son titre est suspendu jusqu’au 26 août.

Antoine LARIGAUDRIE