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Pétrole: vers un grand retour de l’Iran

Le retour en masse de la production pétrolière iranienne et de ses stocks accumulés risque de peser encore très lourd sur des marchés déja suraprovisionnés.

Le retour en masse de la production pétrolière iranienne et de ses stocks accumulés risque de peser encore très lourd sur des marchés déja suraprovisionnés. - Atta Kenare - AFP

L’accord sur le nucléaire iranien signé hier à Lausanne ouvre la porte à une levée des sanctions américaines qui pèsent sur le pays, notamment celles qui concernent les exportations pétrolières. Mais le retour du pays sur le marché va mécaniquement accroître la pression actuelle à la baisse sur les cours à moyen terme.

Le pétrole iranien va enfin couler à nouveau sur les marchés mondiaux, après 3 années de sanctions américaines. Un soulagement pour le pays, 2ème pays producteur de l’OPEP après l’Arabie Saoudite, qui va pouvoir à nouveau bénéficier de cette manne pour refinancer et rebâtir son économie.

Mais ceux qui espéraient un petit redressement des cours du brut en seront pour leurs frais avec cette nouvelle. Car la pression sur les cours que cela va induire risque bien de nous faire repartir vers les plus bas de ces derniers mois et prolonger la spectaculaire correction de ces 6 derniers mois (plus de 40% de baisse).

11% des réserves mondiales de brut

En effet, depuis le début des sanctions américaines, l’Iran a drastiquement réduit ses exportations de brut, on est passé de 2,2 millions de barils de pétrole par jour à 1,3 en moyenne. Ce qui a réduit les revenus pétroliers du pays de moitié quasiment, de 110 milliards de dollars à 70 par an, selon l’Agence Internationale de l’Energie.

L’Iran, selon la dernière grande enquête officielle, possède des réserves estimées à un peu plus de 130 milliards de barils, ce qui représente 15% des réserves de l’ensemble des pays de l’OPEP et un peu plus de 11% des réserves mondiales.

3 ou 4 milliards de barils en réserve !

Mais pendant les années de restriction, le pays n’a pas pour autant réduit sa production, elle est même en légère croissance d’année en année, à 4 millions de barils/jour selon des estimations américaines. A titre de comparaison, l’Arabie Saoudite produit un peu plus de 10 millions.

Et avec une demande intérieure qui croit légèrement sur ces dernières années, sur un rythme pondéré à peu près égal à celui de la production, le pays pendant 3 ans a stocké tout ce qu’il ne pouvait plus exporter, se créant donc des stocks absolument considérables. Mathématiquement ils doivent approcher les 3 ou 4 milliards de barils, soit 10-12% d’une année de production de l’ensemble des pays du monde.

Vers de nouvelles discussions au sein de l’OPEP ?

Un trésor de guerre que le pays n’aura aucun scrupule à vendre même aux cours actuels, tant l’Iran a besoin de cette manne pour relancer une économie mise à terre par plusieurs années de sanctions. Les conditions de la reprise des exportations restent à déterminer, ça se fera très progressivement, mais le marché en a pris la mesure, et l’annonce de l’accord a provoqué une baisse des cours de 5% sur chaque qualité de brut, WTI et Brent confondus.

Une hypothèque de plus sur le marché, qui risque de provoquer de gros débats à l’avenir au sein de l’OPEP, avec une Arabie Saoudite, leader incontesté, qui milite pour un statu quo en matière de production. Hors de question qu’une éventuelle réduction de production se fasse au détriment de certains, et particulièrement des pays de l’OPEP.

Une nouvelle rechute des cours se profile

Une éventuelle initiative doit être globale selon le Royaume Wahabite, et inclure une grande réflexion à mener notamment avec les Etats-Unis, qui alimentent depuis plusieurs années le marché avec un pétrole très bon marché issu des gaz de schistes, ce qui a grandement contribué à faire plonger les cours.

Mais le retour progressif de l’Iran pourrait bien changer la donne. Puisqu’il va y avoir un énorme stock à écouler, ainsi qu’une production abondante. Encore une fois tout va se faire progressivement.

La surabondance persiste... et s'accroît

Non seulement parce que la levée des mesures restrictives sera progressive, mais aussi parce que l’infrastructure de logistique et de raffinage iranienne est vieille et peu performante dans sa grande majorité.

Cela dit en quelques mois le retour de l’Iran sur le marché va considérablement changer les choses, et confirmer que le monde est noyé dans une mer de pétrole bon marché. Les scenarii d’une rechute des cours reprennent corps et risquent de pousser les producteurs (OPEP et Non-OPEP) à un nouveau round de réflexion sur d’éventuelles mesures à prendre.

Antoine Larigaudrie