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Après le Viagra, Pfizer voit son avenir dans le Botox

Pfizer, toujours en quête du statut de leader mondial incontesté de la santé, cherche toujours une acquisition massive. Un mariage avec Allergan lui permettrait de largement remplir cet objectif.

Pfizer, toujours en quête du statut de leader mondial incontesté de la santé, cherche toujours une acquisition massive. Un mariage avec Allergan lui permettrait de largement remplir cet objectif. - Thimothy Clary - AFP

Après un échec notable l’année dernière pour une éventuelle reprise d’AstraZeneca, le géant américain Pfizer réfléchit à un mariage avec Allergan, le fabricant du Botox. L’enjeu: tout simplement la création du N°1 mondial de la santé, doté d’une capitalisation boursière de… 300 milliards de dollars !

Le tout pour le tout. C’est ce que tente Pfizer, avec une vraie réflexion sur une offre qui serait sans doute celle de tous les superlatifs. Avec 112 milliards de dollars de capitalisation, Allergan, la nouvelle cible de Pfizer, une des plus grosses biotechs du monde, est sans doute la fiancée idéale.

Car l'Américain reste sur un échec, celui de l’abandon d’une offre au montant comparable lancée l’année dernière, sur le Britannique AstraZeneca. Elle avait échaudé les esprits dans la classe politique outre-manche, notamment sur des considérations fiscales.

Objectif numéro 1 : la quête de la taille critique

Certains responsables prêtaient à Pfizer l’intention de ne formuler son offre que parce qu’une proie britannique lui aurait permis d’optimiser sa fiscalité par rapport au régime américain réputé plus sévère. Pfizer a classé le dossier sans suite, mais restait à l’affût.

La stratégie, c’est la même depuis 4 ou 5 ans. Grossir en taille, générer des synergies, maximiser le portefeuille de médicaments en grossissant dans les domaines les plus rentables, pour contrer la perte de valeur des molécules qui tombent progressivement dans le domaine public.

Le moment ou jamais de créer un leader mondial

Et la taille fait tout pour ces supergéants très riches en cash accumulé ces dernières années. Pfizer souhaite une fois pour toutes devenir numéro 1 mondial incontesté du secteur pharmaceutique et de la santé en général, en coiffant définitivement son seul rival, Johnson & Johnson.

Le contexte est rêvé, mais ne devrait pas forcément durer éternellement. Les opérations géantes sont encore largement réalisables en ce moment, avec un contexte de taux de financement au plus bas. Mais peut-être plus pour très longtemps, avec une Réserve Fédérale américaine toujours dans un processus monétaire qui doit l’amener à relever ses taux.

Dans le Top 3 des plus grandes opérations… de l’histoire !

Donc il faut frapper vite et fort. Organiser une opération de cette ampleur est tout à fait justifiable, surtout s’il s’agit de créer un supergéant, un leader mondial de son secteur. De plus, là, pas de soucis d’ordre politique à prévoir, Allergan étant basé en Irlande, pays qui ne voit aucun problème à ce que des entreprises locales s’unissent avec des géants étrangers, y compris pour des raisons de fiscalité.

Et le niveau des montants engagés a de quoi laisser rêveur, tant on touche à la macro-économie. Avec une capitalisation de 112 milliards de dollars, on peut d’ores et déjà prévoir une belle prime sur le cours d’Allergan. Et quelle qu’elle soit, l’opération s’annonce tout simplement comme… l’une des 3 plus importantes de toute l’histoire financière !

Année 2015 d'ores et déjà record 

Pour mémoire, le record absolu est toujours détenu par l’opérateur télécom britannique Vodafone, pour la reprise de l’allemand Manesmann en 2000, à 202 milliards de dollars. Et en numéro 2, la même année, AOL annonçait le rachat de Time Warner pour 180 milliards. En 3ème position, on trouve désormais le deal géant dans la bière, signé il y a quelques semaines entre ABInbev et SABMiller, pour 104 milliards.

Et ce dossier Pfizer/Allergan a de quoi chambouler non seulement l’industrie pharmaceutique dans son ensemble, mais également la carte des opérations financières en la matière, à la fin d’une année 2015 qui s’annonce déjà record.

Un feuilleton qui s’ouvre

Depuis le 1er janvier en effet, c’est entre 800 et 900 milliards de dollars d’opérations diverses, rachats, regroupements, scissions ou cessions qui ont d’ores et déjà été annoncées dans le secteur de la santé, pharmacie et biotechs confondues.

Cela dit, l’opération est loin d’être faite. Déjà parce que la valorisation réelle d’Allergan va être sans doute l’objet d’âpres négociations. Le secteur biotech a beaucoup réagi ces dernières semaines aux déclarations de campagne d’Hillary Clinton, qui souhaite faire le ménage dans le système de santé américain, et demander des comptes aux grands labos en matière de tarifs des traitements.

Mais ce n’est pas le seul obstacle, car même si l’Irlande ne devrait pas y trouver à redire, il en sera sans doute différemment des autorités européennes. Et sans doute des instances de concurrence. De quoi anticiper un feuilleton assez long… et sans doute diablement spéculatif.

Antoine Larigaudrie