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Politiques monétaires: la Banque du Japon a-t-elle sifflé la fin de la partie?

Haruhiko Kuroda, le gouverneur de la banque centrale japonaise, a décrété une pause dans la politique toujours plus souple de l'institution, occasionnant une réaction plutôt violente sur les marchés.

Haruhiko Kuroda, le gouverneur de la banque centrale japonaise, a décrété une pause dans la politique toujours plus souple de l'institution, occasionnant une réaction plutôt violente sur les marchés. - TORU YAMANAKA - AFP

"Coup de théâtre ce jeudi à Tokyo. Alors que le marché anticipait à nouveau des mesures d’aide à l’économie de la part de la banque centrale japonaise, celle-ci a décidé de s’en tenir strictement à son programme en cours. Une vraie douche froide pour les marchés décidément très dépendants des largesses des banques centrales."

Haruhiko Kuroda dit stop. Le gouverneur de la Banque du Japon a décidé de s’en tenir là en matière de mesures de souplesse monétaire, laissant des marchés sur leur faim.

Résultat, le yen est en forte appréciation, notamment par rapport au dollar, aux environs des 108, alors que les 110 sont considérés depuis des mois comme un niveau trop difficile pour une économie nippone très dépendante des exportations.

Stupeur des marchés

Autre conséquence: une forte baisse de l’indice Nikkei. Après l’annonce de la Banque du Japon, l’indice est passé de +1,4% à quasiment -2,5%. Il a même terminé la séance à -3,6%, dans le sillage d’un secteur bancaire massacré.

C’est dire la stupeur des marchés qui s’attendaient à une poursuite des mesures exceptionnelles de la Banque du Japon, qui depuis des années est un peu à l’avant-garde des programmes monétaires en vigueur à travers la planète: des taux toujours plus bas, négatifs pour les dépôts, des rachats d’actifs, et une gamme d’interventions de nature à stimuler l’investissement, la croissance et l’inflation.

Avertissement à plusieurs niveaux

Mais les résultats tardent à venir au Japon, où la croissance est quasi nulle depuis une très longue série de trimestres, avec une inflation négative de 0,3% au dernier décompte.

Et face à cette situation, l’impression était jusqu’à présent celle d’une grande fuite en avant de l’institution, toujours prête à en faire plus pour tenter de raviver son économie.

La réponse du gouverneur Kuroda ce jeudi, même s’il se réserve tout de même la possibilité d’actions ultérieures si la situation se dégrade, sonne tout de même comme un avertissement sérieux au marché. L’action de la banque centrale japonaise doit avoir des limites pour garder un minimum de crédibilité et de marge de manœuvre.

Une banque centrale ne peut pas tout faire

Avertissement aussi à l’attention de la classe politique japonaise: certes, la banque centrale est prête à tout tenter, mais le gouvernement doit de son côté mettre en place des réformes budgétaires et fiscales conséquentes, qui pour l’instant tardent à venir. Le gouverneur Kuroda rappelle qu’il ne peut pas soutenir l’économie japonaise à lui tout seul.

Et le signal est d’autant plus important qu’il résonne aussi du côté européen. En effet, lancé lui aussi dans une politique de soutien tous azimuts, mais aux résultats pour l’instant très incertains, Mario Draghi adresse exactement le même message à la classe politique européenne: la BCE ne peut pas tout faire.

Changement de stratégie?

Tôt ou tard, les gouvernements devront réagir et eux aussi mettre en place des réformes budgétaires et fiscales ambitieuses de nature à soutenir réellement l’activité. Et pour l’instant, remarque encore ce jeudi Mario Draghi, "les gouvernements tardent à réagir".

Un changement d’attitude qui est peut-être bien à aller chercher du côté du dernier G20 de Shanghai encore une fois. Un rendez-vous annonciateur peut-être d’une nouvelle stratégie des banques centrales, de nature à faire réagir une fois pour toutes les classes politiques au niveau mondial, sur leur capacité à réformer.

Et au désormais fameux "No Limit" de Mario Draghi, l’initiative de la Banque du Japon semble marquer un changement de tactique. Il pourrait être un catalyseur important d’action politique future, qui constitue pour l’instant le chaînon manquant de la reprise mondiale.

Antoine Larigaudrie