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Pourquoi l’Allemagne rapatrie massivement ses réserves d’or

L'année dernière, l'Allemagne a rapatrié de l'étranger 210 tonnes de lingots dans les coffres-forts de la Bundesbank. Objectif, que plus de la moitié de ses réserves soient stockées sur le sol allemand à horizon 2020.

L'année dernière, l'Allemagne a rapatrié de l'étranger 210 tonnes de lingots dans les coffres-forts de la Bundesbank. Objectif, que plus de la moitié de ses réserves soient stockées sur le sol allemand à horizon 2020. - Deutsche Bundesbank - AFP

La Bundesbank s’attend-elle à des tempêtes à venir? Depuis deux ans, la banque centrale allemande récupère ses lingots stockés à l’étranger, pour en avoir un maximum à Francfort. Que cache cette subite frénésie, alors que les cours de l’or stagnent depuis des mois?

130 milliards de dollars. C'est la valeur estimée de la totalité des réserves d’or de l'Allemagne. Les 3381 tonnes dont la Bundesbank est propriétaire représentent les deuxièmes réserves les plus importantes au monde après celles des Etats-Unis. Même la banque centrale chinoise en thésaurise deux fois moins.

Or la Bundesbank est visiblement déterminée à rapatrier au plus vite ses lingots stockés, pour des raisons historiques, à travers le monde. Pourquoi? La question laisse perplexe la communauté financière. Car les cours de l’once et du lingot sortent d’une baisse de quasiment un tiers de leur valeur en 3 ans. Mais l’or est un actif stratégique, et même si sa valeur spéculative n'a plus été d'actualité ces dernières années, il n’en reste pas moins la valeur-refuge ultime.

210 tonnes ont passé le Rhin en 2015

Mais la volonté est là. L’objectif de l’Allemagne est, qu'en 2020, au moins la moitié de son stock d'or (contre 40% aujourd'hui) soit conservé dans ses propres coffres-forts. C’est pourquoi, l'an passé, la Bundesbank a rapatrié 210 tonnes de lingots, selon les chiffres du World Gold Council.

Mais pourquoi l’Allemagne stocke-t-elle ses réserves d’or à l'étranger? C'est le fruit de l'histoire mais pas seulement. Par crainte d'une invasion de l'URSS au temps de la guerre froide, la Bundesbank avait confié une partie de son trésor à ses alliés. La France a ainsi longtemps conservé plus de 10% des réserves d'or de son voisin. Mais cette délocalisation est aussi lié à des raisons financières. Hygrométrie, nettoyage régulier, vérification minutieuses de la qualité et des propriétés physiques… Pour économiser sur ces coûts, la Bundesbank a eu intérêt à laisser son or aux bons soins d’une autre banque centrale.

L’autre intérêt de la manœuvre est de pouvoir, en cas de déséquilibre monétaire majeure ou d’urgence capitale, faire convertir rapidement les lingots en devise du pays dans lesquels ils sont stockés. Devises stratégiques comme le dollar ou la livre sterling.

60% de l’or allemand… à la FED !

C’est pour toutes ces raisons que 60% des réserves d’or allemandes sont stockés dans des banques centrales étrangères, principalement à la FED, mais aussi à la Banque d’Angleterre et à la Banque de France, qui lui transfèrent progressivement ces lingots qu'elles détiennent par centaines de milliers. Ainsi en 2020, la France n’hébergera plus un seul kilo d’or allemand. 

Car même si l’économie allemande est la plus solide de la zone euro, le pays veut parer à tout éventualité. La crise des dettes souveraines en 2010 a profondément ébranlé les esprits outre-Rhin, faisant craindre une disparition de la monnaie unique, la partition ou la fin de l’union monétaire, voire un retour au mark et la formation d’une mini-zone monétaire avec l’Autriche et quelques pays voisins.

Dans un environnement économique où ce genre d’événement n'est plus totalement impensable et où une des matières premières-clés, le pétrole, est capable de s’effondrer de 75% en un peu plus d’un an, l’Allemagne veut pouvoir disposer librement et à tout moment son or. 

Rassurer l’opinion publique

L’opinion publique allemande s’est même mobilisée en ce sens, allant jusqu’à douter de la réalité de ces réserves stratégiques, accumulées depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale. En cela, les Allemands vont donc être partiellement rassurés.

Mais chose curieuse, l’Allemagne n’a pas pour autant l’intention de rapatrier l’intégralité de ce qui est stocké à l’étranger, notamment aux Etats-Unis et en Angleterre. Sans doute pour des raisons stratégiques veut-t-elle garder des possibilités de convertibilité rapide avec le dollar… et la livre sterling, en cas de Brexit, de sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne.

Antoine Larigaudrie