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Pourquoi la BCE ne retirera pas de sitôt son soutien au marché obligataire

jeudi 13 décembre 2018 à 15h00
La BCE a assuré jeudi qu'elle poursuivrait longtemps ses rachats d'actifs

(BFM Bourse) - La Banque centrale européenne a confirmé jeudi qu'elle n'allouerait plus de nouveaux fonds aux rachats d'obligations publiques et privées au-delà de décembre. Mais compte tenu des réserves accumulées, elle maintiendra ses rachats longtemps après le relèvement éventuel de ses taux.

La stratégie de rachat d'actifs, qui va entamer un nouveau virage à partir de janvier prochain comme l'a confirmé ce jeudi la BCE, avait marqué une rupture essentielle pour la Banque centrale européenne en 2015 lors de sa mise en place. C'est ce qu'on appelle dans le jargon financier le QE (pour "quantitative easing" ou "assouplissement quantitatif"), qui désigne la stratégie de rachat d’obligations par la banque centrale européenne –une forme indirecte de création monétaire. Ce recours était auparavant inconcevable pour l’institution européenne, jusqu’à ce que Mario Draghi fasse basculer la BCE du côté inexploré de la politique monétaire en annonçant qu’il ferait "tout ce qui est nécessaire" ("whatever it takes") pour préserver la cohésion financière de l’Union à travers sa monnaie.

Concrètement, comment cela fonctionnait-il ? Cette politique de stimulus monétaire est un peu à mi-chemin entre les baisses de taux –l’outil conventionnel de relance– et la création de monnaie ex nihilo (ou "helicopter money" comme disent les anglophones pour évoquer l’image de sacs de billets tombant du ciel). Précisons que l’appellation de la Banque centrale européenne est APP ("extended asset purchase programme"), le "quantitative easing", ou QE, étant un terme non officiel forgé par l’économiste allemand Richard Werner.

Une puissance de feu de 60 milliards d'euros... par mois

Annoncé en janvier 2015 et mis en place à partir de mars, le programme de rachats de la BCE impliquait au départ un budget mensuel de 60 milliards d’euros par mois. Un montant colossal quand on le compare au montant net des émissions du Trésor français qui était par exemple d'un peu plus de 15 milliards d'euros par mois en 2015. Dit autrement, la BCE pouvait racheter l'équivalent de quatre fois toutes les nouvelles émissions de dettes françaises à cette époque. Grande première donc, ce programme de rachats concernait les emprunts d’Etats (et uniquement à eux d'ailleurs dans un premier temps), sous réserve que les titres disposent d’une note d’au moins triple-B ("Investment Grade", excluant alors la Grèce et Chypre).

Autre point de comparaison, le montant prévisionnel pour la période de mars 2015 à septembre 2016, durée initialement prévue du QE européen, représentait pas moins de 12% de tout le stock d’obligations en catégorie d’investissement en Europe (1.140 milliards sur un marché de 9.500 milliards d’euros, composé à 60% de souverains, à 17% d’obligations d’entreprises, puis d’obligations adossées à des actifs et de dettes d’agences supranationales).

Dès avril 2016, le montant mensuel a été porté à 80 milliards d’euros, le périmètre des titres éligibles étant par ailleurs étendu aux obligations d’entreprises également catégorisées "Investment Grade". Puis avec l’éloignement du risque de déflation, le montant du QE a été réduit progressivement. Ce que la presse et les économistes ont surnommé le "tapering" ("dégradé" au sens d’une coupe de cheveux). Le montant mensuel revenant à 60 milliards en avril 2017, puis 30 milliards en janvier 2018, et 15 milliards d'octobre à décembre.

Que se passera-t-il après décembre ?

Jeudi, la Banque centrale européenne a donc confirmé que les achats nets dans le cadre de ce programme cesseront bien ce mois-ci, ce qui signifie que l’institution n’y consacrera plus de nouveaux fonds… Mais les rachats ne vont pas s’arrêter pour autant. En effet, au fil des trois ans et demi qu’a duré le programme, la BCE a accumulé un trésor de guerre. Au 7 décembre 2018, la BCE détenait 2.650 milliards d'euros de titres "à des fins de politique monétaire". Le conseil des gouverneurs a indiqué qu’il réinvestirait en totalité les montants remboursés par les émetteurs au fur et à mesure des échéances (en pratique, dans un délai allant jusqu'à deux mois après le remboursement). Le recyclage des fonds ainsi dégagés dans de nouveaux rachats d’obligations se poursuivra "pendant une période prolongée" après la date à laquelle la BCE commencera à relever ses taux d’intérêt directeurs (ce qui n'est pas prévu avant l'été 2019) et en tout cas "aussi longtemps que nécessaire pour maintenir des conditions de liquidité favorables et un degré élevé de soutien monétaire" assure l'institution européenne.

"Le bilan de la BCE devrait rester important pendant plusieurs années, les conditions de liquidité n’apparaissant que lentement se normaliser", parie Reinhard Cluse, économiste chez UBS. Pour lui, la banque centrale restera donc à iso-budget au moins jusqu'en 2020 en réinjectant systématiquement sur le marché obligataire les sommes remboursées, voire au-delà. Elle ne devrait lever le pied que graduellement et seulement si les données économiques le permettent.

Guillaume Bayre - ©2024 BFM Bourse
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