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Pourquoi la Fed navigue dans le brouillard

Malgré un paysage de plus en plus clair, la FED peine à trouver le bon timing pour normaliser sa politique monétaire, aux prises avec des divisions internes croissantes.

Malgré un paysage de plus en plus clair, la FED peine à trouver le bon timing pour normaliser sa politique monétaire, aux prises avec des divisions internes croissantes. - Getty Images North America - AFP

La Réserve Fédérale Américaine semble être dans une situation de plus en plus complexe, à la lecture du compte-rendu de son dernier comité de politique monétaire. Problèmes de timing, divisions qui s’accroissent entre gouverneurs… la Fed navigue dans le brouillard malgré une feuille de route qui paraissait claire au départ.

Plus la route se dégage, plus il semble compliqué de rouler. Voilà comment apparaît le paradoxe de la Fed en ce moment. Après avoir lancé le processus de normalisation de ses taux, toujours proche de zéro en ce moment malgré son relèvement de décembre dernier, elle n’arrive pas à sortir de sa posture attentiste.

"Le comité a besoin de plus d’indicateurs pour décider d’un nouveau relèvement de ses taux". La Fed, par cette phrase du communiqué, se donne encore quelques semaines et sans doute quelques mois d’attente pour statuer. La prudence est donc encore de mise.

Ciel de plus en plus dégagé

Et pourtant, le paysage est en train de se dégager. Le marché de l’emploi américain devient même tendu, avec de l’inflation salariale. Et ce malgré plusieurs rapports mensuels sur l'emploi décevants, mais qui plafonnent logiquement après des mois et des mois de forte hausse ininterrompue.

La croissance américaine renoue avec un rythme très soutenu, la Fed d’Atlanta a même encore relevé ses prévisions pour le troisième trimestre à venir, à 3,6% en rythme annualisé. Les résultats d’entreprises américaines récemment publiés, et leurs perspectives de croissance témoignent de cette bonne conjoncture. 

Source d’instabilité persistante

Et puis le troisième sujet de préoccupation, les "menaces externes", c'est-à-dire les risques internationaux sur l’économie américaine, semblent largement contenues. Chine, pays émergents… même le Brexit n’a pas d’impact notable marqué en ce moment, et le comité de politique monétaire de la Fed en convient.

Alors pourquoi attendre encore ? D’autant que le ton se durcit très nettement dans les débats internes. Plusieurs gouverneurs ont ouvertement exprimé leur inquiétude concernant le niveau jugé trop bas des taux américains. Ils sont de nature à alimenter justement des sources d’instabilité mondiale.

Un ton qui se durcit

Deux membres du conseil ont même voté en faveur d’une hausse des taux en juillet. Pour eux, impossible d’attendre plus longtemps, alors que l’Amérique ne peut pas renouer avec une croissance normale, sans un niveau de taux normal.

Les patrons des Fed régionales de New York et d’Atlanta ont même milité en début de semaine pour une ou 2 hausses de taux avant la fin de l’année ! Notamment lors des réunions de septembre et de décembre. L’Amérique et le système financier y sont désormais prêts, et le marché doit en prendre acte dès maintenant, disent-ils.

Probabilités encore faibles

Mais le ton général de la Fed reste encore bien indécis. Pour preuve, les marchés continuent à tabler sur un processus très lent. Avant publication de ces minutes, elles tournaient autour de 12% pour septembre et 38% pour décembre, ce qui est relativement faible.

Désormais, si on compile l’ensemble de ces données, on arrive à une hausse prévisible, mais pas avant février prochain ! Autant dire que la Fed, soucieuse d’éviter des déséquilibres dont elle est en partie responsable elle-même, refuse d’aller trop vite, quitte à en créer d’autre pendant encore une longue période.

Antoine Larigaudrie