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Pourquoi le retour (prévu) de l’Iran fait encore chuter le prix du baril

Samedi soir, une heure avant la levée officielle des sanctions internationales, 22 super-tankers partaient des ports iraniens pour exporter leur brut vers l'Europe et l'Inde.

Samedi soir, une heure avant la levée officielle des sanctions internationales, 22 super-tankers partaient des ports iraniens pour exporter leur brut vers l'Europe et l'Inde. - ATTA KENARE-AFP

La fin progressive des sanctions économiques à l’encontre de la République Islamique était largement anticipé sur le marché pétrolier. Pourtant, les cours du brut sont passés ce lundi matin, sous les 28 dollars. Le marché avait-il encore de la marge pour faire pression sur les prix?

C’était une heure avant même la signature officielle de l’accord de levée des sanctions économiques. Samedi dernier vers 21h00, 22 super-tankers iraniens bourrés de pétrole sortaient des ports de Bandar Abbas et de Khor Amshar, direction l’Inde et l’Europe.

Une vraie démonstration de force de l’Iran qui voulait ainsi signifier, par un symbole fort, son retour aux affaires. En soi l’information n’est pas de nature à chambouler un marché qui s’est déjà fait au retour progressif de la République Islamique sur le marché des exportateurs de but. C’est même une des principales raisons de la baisse des cours depuis des mois.

Système bancaire reconnecté

Mais le fait de pouvoir le constater de visu a accru la pression sur les cours du brut. L’Iran a actionné très concrètement tous les leviers du redémarrage de ce qui constitue encore le contributeur majeur de son économie. Depuis hier notamment, toutes les banques iraniennes sont connectées à nouveau au système bancaire international via les normes Swift.

L’Iran est donc désormais à nouveau capable d’accéder au marché pétrolier et de faire entrer les devises étrangères dans son système bancaire. Et c’est bien là l’essentiel. Que les cours du baril soient à 100 dollars ou sous les 28 comme ce lundi matin, ne change rien pour l’Iran, qui désormais redémarre la machine pour de bon.

Puissance de feu considérable

Et c’est bien de cela dont souffrent les marchés. Les Iraniens se disent capable d’accroître rapidement leurs capacités d’export de 500.000 barils/jour, un niveau suffisant pour anticiper une situation encore plus compliquée sur un marché où la demande est clairement inférieur à l'offre. D’autant que le pays reste le 2ème pays producteur de l’OPEP.

Certes les sanctions économiques ont fortement réduit les capacités de production du pays. Les puits iraniens ne fournissent plus que 3 millions de barils/jour. Mais leur ils pourraient assez vite remonter à 4 millions. Sans compter les stocks accumulés pendant les années de sanctions: les réserves de brut iranien sont estimées à environ 4 milliards de barils !

Le Golfe subit l’impact

La république islamiste devrait certes mettre des années à retrouver des capacités de production et d’export optimales, mais les intentions sont là: le pétrole va rester, et pour longtemps, la principale source de revenus du pays. Et la démonstration de force iranienne a eu un impact notable sur les indices boursiers des pays du Golfe, Emirats, Arabie Saoudite… Dimanche les indices ont terminé en baisse de 6 à 7% et ont toutes les peines du monde à se redresser aujourd’hui.

Et ce nouvel épisode baissier va continuer à peser sur le marché du brut. Les grands pétroliers en subissent l’impact et l’inquiétude monte autour du secteur parapétrolier, qui devient structurellement fragile.

La course à la baisse des cours

Sans compter que la géopolitique va également jouer en défaveur d’une éventuelle hausse des prix ces prochaines semaines. L’Arabie Saoudite est toujours en conflit diplomatique ouvert avec l’Iran, et la première réaction du Royaume a été d’augmenter ses exportations de pétrole.

Les derniers chiffres montrent que l’Arabie Saoudite est passée de 7,3 millions de barils/jour à 7,7 sur le dernier mois. la preuve que l'Arabie Saoudite qui a tout intérêt à garder les cours le plus bas possible, pour asphyxier ses concurrents, l’Iran, mais aussi la Russie et les Etats-Unis.

Objectif 20 dollars… voire moins.

Et au milieu de cela, les autres pays de l’OPEP qui veulent tout faire pour obtenir au moins une baisse de production de nature à soutenir un peu les cours. Donc fort peu de chances que la situation évolue, vu qu’aucune superpuissance pétrolière, Etats-Unis compris, n’a vraiment intérêt à ce que les cours remontent.

Pas étonnant alors que les analystes prédisent une poursuite de la descente des cours, graduellement. 20 dollar le baril apparaît ainsi comme un premier objectif dans un horizon relativement proche… avant 16 ou même 10 comme le prévoient certains analystes.

Antoine Larigaudrie