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Pourquoi les dividendes versés aux actionnaires du CAC 40 sont "sains" et "légitimes"

Invité sur BFM Business, Pascal Quiry, co-auteur de l'étude sur les versements aux actionnaires des groupes cotés en 2019 publié par la Lettre Vernimmen, a tenu à revenir sur la légitimité de verser cette part des bénéfices aux actionnaires.

Selon le 175e numéro de la Lettre Vernimmen, les groupes du CAC 40 ont distribué l'an passé 60,2 milliards d'euros à leurs actionnaires, que ce soit via des dividendes (49,2 milliards d'euros) ou des rachats d'actions (11 milliards d'euros). Un niveau qui dépasse l'ancien record de 2007.

Ce montant a suscité de vives réactions chez certaines personnalités politiques. Mais pour Pascal Quiry, professeur à HEC et co-auteur de l'étude de la Lettre Vernimmen, ce niveau de distribution est "légitime". 

"Je pense que c'est assez légitime, c'est assez sain de (…) rendre parce que ça permet de faire tourner l'argent et il n'y a rien de mieux dans la vie que de faire tourner l'argent", pointe l'expert en finance, qui était invité ce vendredi dans l'émission Good Morning Business.

Le dividende, "ce fabuleux outil anti-rente"

Pour appuyer son argumentaire, Pascal Quiry prend l'exemple de l'entreprise Rhône-Poulenc. "En 1962, la plus grosse entreprise française, top du CAC 40, c'était Rhône-Poulenc, dans la chimie. Les dividendes de Rhône-Poulenc ont financé d'autres entreprises dans d'autres secteurs. (…) C'est ce qui fait la vie des entreprises. Le dividende, c'est un fabuleux outil anti-rente. Parce que l'on redonne des moyens. (…) Les actionnaires ne le dépensent pas tous en cigares et vont le réinvestir dans d'autres entreprises qui ont besoin de lever des fonds", assure l'économiste.

En outre, Pascal Quiry rappelle la nécessité pour les entreprises d'"éviter de faire de la croissance externe lorsque la culture interne de l'entreprise ne le permet pas". Autrement dit, toutes les entreprises ne peuvent pas ou ne savent pas se servir de leur bénéfices pour racheter d'autres entreprises. Et d'ajouter: "Il y a trente ans, la grande entreprise américaine, c'était IBM. Et IBM a financé un tas de dividendes et de rachats d'actions (...). Et grâce à cela, des Apple et autres ont pu se financer à leur début".

Eviter de gaspiller l'argent

Parmi les principaux groupes ayant versé d'importants dividendes l'an dernier, figurent plusieurs géants de luxe. Et s'ils octroient de telles sommes à leurs actionnaires aujourd'hui, c'est aussi, détaille-t-il, parce que "à un moment donné, on atteint des limites physiques: on n'imagine quand même pas d'avoir dans tous les coins de rue, une boutique Louis Vuitton, ou un magasin Sephora. Donc à un moment donné, la rentabilité marginale comme dans tous secteurs économiques va décroître. Et à ce moment-là, il vaut mieux effectivement redistribuer l'argent aux actionnaires pour qu'ils le réinvestissent ailleurs, plutôt que de gaspiller l'argent au sein des entreprises", conclut l'expert.

Enfin, comme le rappellent à juste titre les auteurs de la Lettre Vernimmen dans leur étude, les dividendes versés n'enrichissent pas les actionnaires. En effet, "la valeur de leurs actions baisse mécaniquement du même montant dès le versement du dividende". Ils estiment également que ces versements ne sont pas un frein à l'investissement au sein des groupes cotés. Ainsi, selon la Lettre Vernimmen, plus les groupes du CAC 40 ont reversé des liquidités à leurs actionnaires, plus leurs investissements ont progressé en parallèle. En 2018 par exemple, le montant global des investissements des groupes du CAC 40 était de 82 milliards d'euros (hors rachat d'entreprises). 

J.C-H