Pourquoi les marchés actions ne craquent pas avec la Grèce?

Malgré des baisses marquées et des réactions négatives, les marchés financiers depuis quelques semaines semblent digérer les développements de la crise grecque avec beaucoup de calme et de philosophie. Comment des marchés aussi volatils peuvent-ils résister à cette énorme pression ?
Une résilience assez spectaculaire de la part des marchés. Ceux qui prévoyaient une volatilité et une violence digne de la crise de 2008 en auront été pour leur frais, les marchés arbitrent la crise grecque avec un calme assez étonnant. On peut même parler de sang-froid et de méthode jusque-là. Le meilleur exemple est sans doute ce qui se sera passé il y a 2 semaines. Le marché s’était mis à monter en espérant un aboutissement rapide des négociations entre la Grèce et ses créanciers. Cela s’était soldé par une grimpée hebdomadaire de 5%. Mais l’interruption des négociations et l’appel à un référendum de la part du gouvernement Tsipras est venu tout chambouler.
No Panic !
Mais au lieu de céder à une panique irrationnelle, aussi irrationnelle que la montée précédente, le marché a calmement, méthodiquement, rayé d’un trait de plume les valorisations excessives dues à la montée. Ni plus ni moins, avant de se stabiliser et de rebondir. Là le CAC 40 sortait d’une perte hebdomadaire de 5% précisément, et attendait le résultat du référendum avec impatience. La victoire du "Non" face au plan d’aide actuel aurait dû tout remettre en cause et sans doute provoquer une très forte baisse des marchés actions. Les indications d’avant marché (les "calls", ou paris d’avant-cotations au matin) donnaient des baisses de 3 à 4% des indices européens ce lundi.
Un marché rationnel et méthodique
Et au final, on a eu un beau mouvement de réduction des pertes en avant-marché, avant une ouverture en repli de 2% seulement, et même finalement un peu plus d’1% seulement après une demi-heure de cotations. Une séance quasiment "normale" dans le contexte pourtant proprement exceptionnel de l’environnement en zone euro. A aucun moment on a l’impression, pour le moment, que le marché se décourage et lâche prise, perd pied, comme il peut le faire parfois en cas de déstabilisation profonde.
Comment expliquer ces réactions finalement très saines des marchés, dans cet environnement volatil ? Déjà parce que le terrain de jeu actuel notamment du CAC40, mais de l’ensemble des indices européens, leur bande d’évolution, semblent avoir été bien tracées depuis le début de cette phase de la crise grecque il y a 5 ou 6 mois.
Bandes d’évolutions déjà bien tracées
En grossissant le trait et en se fondant sur le CAC40, on peut dire avec quelque certitude (si tant est qu’il y en ait sur les marchés…) que l’indice évolue entre des bornes éprouvées et déjà vues. 4500-4600 quand tout va mal (niveaux qui nous ramènent à février), et 5.000-5.100 quand les nouvelles sont bonnes. Avec une option sur les plus hauts annuels du côté des 5.300 peut-être si jamais on arrive à un accord.
Même chose du côté des marchés de taux, pourtant extrêmement volatils surtout depuis 5 ou 6 mois. Certes les rendements de la dette à 10 ans des pays du Sud de l’Europe (Espagne, Italie et Portugal) sont toujours prêts à se tendre du côté des 2,5% et 3%.
Marché de taux plutôt stables
Mais jamais dans des proportions trop gênantes. Exception faite de la dette allemande, qui reste la plus réactive, car valeur sûre d’entre les valeurs sûres en zone euro. A chaque mauvaise nouvelle, le taux se détend de manière sensible, car le prix des obligations grimpe. Il ne faut pas oublier que depuis le début de l’année les taux allemands sont sans doute les plus volatils, ceux qui évoluent avec le plus de violence et de brusquerie, dans un contexte de jeu d’influence entre grands financiers et Banque Centrale Européenne au milieu de ses programmes de soutien au marché.
L’Euro Dollar en soutien
Enfin à souligner la grande stabilité de l’Euro, notamment face au dollar, depuis début mai on ne bouche plus de la bande d’évolution qui court de 1,11 à 1,13. Preuve peut-être aussi qu’il existe une force d’équilibre des pouvoirs entre 2 convictions de marché : celle qui consiste à vendre de l’euro en estimant que la zone est en danger avec la Grèce, et celle qui consiste à acheter avec conviction en pensant que tout va s’arranger.
Autre raison d’acheter pour certains, la conviction que la Grèce a de plus en plus de chance de sortir de la zone euro, et qu’une fois que ce sera fait, la monnaie unique ne pourrait en sortir que renforcée…
La BCE suivie de près
Bref autant de raisons pour les marchés de ne pas paniquer. Et la principale raison de tout cela, outre que beaucoup, malgré l’exaspération et l’impatience, misent sur un accord valable, tous les investisseurs s’en remettent à la BCE, seule institution qui jusque-là, a toujours répondu présent pour résoudre les problèmes techniques, les plus urgents et les plus cruciaux, pour que jamais le marché ne se retrouve bloqué, grippé ou inefficient.
Ce qui n’est pas non plus sans inquiéter car malgré le talent de son président Mario Draghi, la signature d’un accord ne pourra revenir qu’aux institutions et à la classe politique. Mais au moins la volonté et l’inépuisable ingéniosité de la BCE pour maintenir le système financier à flot coûte que coûte se lit dans les cours de bourse, tant ils constituent des supports et des influx de capitaux très solides.
L’Europe encore très attractive
Enfin hormis cet argument-maître, dans des marchés encore très bien alimentés en liquidité et dans la configuration de marché actuelle, les actifs européens restent, comparativement aux autres zones géographiques, sans doute les plus attrayants du moment si on fait une simple moyenne risques/perspectives.
La zone euro a donc encore les moyens de compter sur un monde financier qui soutient le processus de négociations en se montrant relativement solide. Le seul risque serait sans doute de voir les déséquilibres monétaires l’emporter entre BCE, FED et pays émergents, de quoi provoquer une hémorragie de capitaux fatale qui conduirait à une nouvelle crise. Mais pour l’instant, on est loin de ces sombres horizons. Pour l’instant…