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Le procès Kerviel s'ouvre avec celui de la finance

Le procès de Jérôme Kerviel, ex-trader de la Société générale tenu pour responsable d'une perte record de 4,9 milliards d'euros en 2008, s'ouvre ce mardi à Paris en plein questionnement mondial sur la finance. /Photo prise le 29 avril 2010/REUTERS/Benoît

Le procès de Jérôme Kerviel, ex-trader de la Société générale tenu pour responsable d'une perte record de 4,9 milliards d'euros en 2008, s'ouvre ce mardi à Paris en plein questionnement mondial sur la finance. /Photo prise le 29 avril 2010/REUTERS/Benoît - -

par Thierry Lévêque PARIS - Le procès de Jérôme Kerviel, ex-trader de la Société générale tenu pour responsable d'une perte record de 4,9 milliards...

par Thierry Lévêque

PARIS (Reuters) - Le procès de Jérôme Kerviel, ex-trader de la Société générale tenu pour responsable d'une perte record de 4,9 milliards d'euros en 2008, s'ouvre ce mardi à Paris en plein questionnement mondial sur la finance.

Poursuivi pour "faux, usage de faux, abus de confiance, introduction frauduleuse de données dans un système informatique", le jeune homme de 33 ans encourt jusqu'à cinq ans de prison et 375.000 euros d'amende.

Il se voit reprocher des positions à risque vertigineuses de 2005 à 2008 sur des indices boursiers européens, ayant atteint plus de 49 milliards d'euros, dissimulées selon l'accusation à son employeur.

La Société générale lui impute la responsabilité exclusive de l'affaire et entend demander une "sanction exemplaire".

L'ex-trader reconnaît des fautes mais incrimine sa hiérarchie, qui aurait fermé les yeux sur ses agissements.

Il accuse plus largement le système financier qui l'aurait conduit dans un "engrenage", le titre de son livre publié en mai, et le thème de nombreuses interviews.

Ce procès, pour lequel treize audiences sont programmées au tribunal correctionnel jusqu'au 25 juin, a pour toile de fond un vif débat international sur les marchés financiers, avec un vaste projet de réglementation aux Etats-Unis.

Sont en cause le renforcement des contrôles internes et externes des salles de marchés, l'interdiction éventuelle aux banques de dépôt des activités de spéculation pour compte propre, et une restriction des activités risquées.

Alors que le procès se déroulera à Paris, le sommet du G20 à Toronto, au Canada, doit aborder ces questions.

UNE INSTRUCTION PRUDENTE

L'affaire Kerviel, premier choc du monde de la finance en 2008, a été relativisée par de nombreux épisodes de la crise financière, qui a vu les faillites bancaires se multiplier.

L'affaire a joué un grand rôle dans le changement de direction de la banque française, son président Daniel Bouton quittant ses fonctions opérationnelles en mai 2008, puis renonçant à ses ultimes fonctions en avril 2009.

Les juges d'instruction Renaud Van Ruymbeke et Françoise Desset ont abordé l'affaire de manière très prudente, rejetant l'incrimination "d'escroquerie" contre l'avis du parquet, et refusant aussi malgré ses réquisitions d'emprisonner le trader.

Il a cependant finalement purgé 38 jours de détention provisoire sur décision de la chambre de l'instruction.

Au coeur d'une tempête médiatique mondiale, le jeune homme a successivement engagé puis congédié pas moins de six avocats, pour s'arrêter finalement sur Me Olivier Metzner, qui passe pour le meilleur spécialiste français du pénal financier. Ce dernier promet des révélations à l'audience.

L'instruction s'est terminée de manière très tendue, Jérôme Kerviel accusant les juges d'avoir consenti à mener une enquête "sponsorisée par la Société générale".

L'ordonnance de renvoi écarte la responsabilité de son assistant Thomas Mougard, un temps mis en examen, de même que celle de son encadrement et de la banque.

Cette dernière n'est pas sortie indemne de l'enquête, qui a montré qu'elle avait négligé plus de 70 alertes internes et externes sur le comportement de Jérôme Kerviel. Le défaut de contrôle a valu à la SocGen une amende de la Commission bancaire de quatre millions d'euros.

LES MENSONGES DE KERVIEL

Les juges d'instruction fondent essentiellement les charges sur les propres déclarations du trader, qui a reconnu que la limite d'engagement au-delà d'une journée pour les huit traders du "desk" où il travaillait était à 125 millions d'euros.

Les juges soulignent aussi qu'il a admis avoir entré des transactions fictives dans l'informatique de la banque pour dissimuler ses opérations risquées et avoir fabriqué de faux courriels pour appuyer les explications mensongères répondant aux demandes d'explication.

"Ce sont ces mensonges réitérés qui ont mis en échec les contrôles, les relations au sein de la banque reposant sur la confiance. En prenant des positions à la fois exorbitantes et masquées, il n'a pas respecté le mandat qui lui avait été fixé par la banque", écrivent les juges Van Ruymbeke et Desset.

La perte en elle-même ne lui est cependant pas directement imputée, puisque c'est la banque qui l'a provoquée en liquidant les positions risquées de Jérôme Kerviel en pleine débâcle boursière sur fond de crise des "subprimes", entre le 21 et le 24 janvier 2008.

Cette opération a généré une perte de 6,3 milliards d'euros, ce qui a produit la perte finale de 4,9 milliards d'euros, une fois déduits les gains de 1,4 milliard d'euros accumulés fin 2007 par le jeune trader.

Edité par Yves Clarisse