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Télécoms: le big bang dont le marché ne fait que rêver

Malgré toutes les spéculations, la grande restructuration du marché des télécoms français se fait attendre.

Malgré toutes les spéculations, la grande restructuration du marché des télécoms français se fait attendre. - PHILIPPE HUGUEN - AFP

Bouygues +16,5%, Iliad +12%, Orange +15,5%... Les performances du secteur télécom en bourse depuis le début de l’année continuent de profiter des perspectives de consolidation en France. Consolidation qu’on attend toujours, mais que les marchés boursiers achètent quand même.

C’est une de ces phases de marché qui ne lasse pas d’étonner, quand les boursiers se mettent à jouer un scénario parfaitement huilé… Et qui n’arrive jamais. En tout cas pour le moment.

Le synopsis est clair. Bouygues cherche à vendre sa filiale télécoms, tant elle pèse sur sa rentabilité et fragilise sa structure financière. Iliad semblant ne plus être en course, Numéricable-SFR semble être le prédateur rêvé. Il a la structure financière et la dynamique pour l’emporter.

Bouygues Télécom au centre du jeu

Oui mais voilà, malgré des rumeurs et des déclarations d’intention plus ou moins vérifiées, on ne voit toujours pas venir l’offensive. Rien du tout. Et même des démentis formels de la part de Bouygues concernant d’éventuelles négociations.

Il faut dire que l’opération, même si le marché l’a déjà inscrit dans les cours avec des hausses spectaculaires sur plus d’un an, ne s’annonce pas comme un long fleuve tranquille.

Risque d’exécution

Déjà, inconnue en matière de concurrence. Numéricable s’est déjà emparé à grand frais de SFR. Les autorités laisseront-elles le mini-empire télécom s’agrandir encore en raflant un nouvel opérateur ? Difficile de l’imaginer. On part donc sur l’hypothèse de cessions d’actifs. Mais comment et lesquels d’entre eux intégrer ? L’intégration d’un "mini-Bouygues Télécom" reste-t-elle intéressante, stratégiquement, pour Numéricable ?

Autre inconnue, ce qu’on appelle le risque d’exécution. Comment financer l’opération ? Etant donné qu’Altice, la maison-mère de Numéricable-SFR, est déjà très endettée après le rachat de l’ex-filiale de Vivendi. Même si les opérations d’émission de dette pour le rachat d’SFR ont trouvé très largement preneur, la structure financière de l’ensemble pourrait être fragilisée par une opération du même genre.

Question de prix, question de technique

Et puis encore faut-il s’entendre sur un prix, visiblement Bouygues chercherait à céder ses télécoms pour 8 milliards d’euros. De précédentes réflexions du côté de chez Free parlaient de moitié moins, à l’époque. Difficile d’imaginer trouver un point d’équilibre entre ces deux bornes.

Enfin en imaginant une mise en route de l’opération, la mise en place de la fusion en tant que telle, le côté technique, fusion des fichiers, attributions des fréquences, recalibrage de l’ensemble du réseau du nouvel ensemble… encore un chantier complexe.

Histoire d’hommes et guerre des prix

Mais ce qui paralyse les initiatives pour le moment, c’est un peu la cerise sur le gâteau. Les hommes en eux-mêmes. Autant dire que du côté de Bouygues, de Numéricable et de Free, on se déteste cordialement. Il y a un conflit quasiment ouvert et violent entre Xavier Niel (Free) et Patrick Drahi (Numéricable). Et puis ce secteur est l’un des rares à avoir connu une guerre des prix sans merci, au cours de laquelle les caractères se sont blindés, rendant toute idée de négociation pour construire un nouveau paysage d’emblée plutôt difficile.

Reste ce secteur télécom qui flambe en bourse, et des marchés qui font monter les actions en jouant d’avance un scénario bien flou. Actions qui atteignent des cours qui vont rendre encore plus difficiles d’éventuelles négociations. Eh oui, parfois, par la magie de la spéculation, le marché s’obstine à rendre plus difficile les propres scenarii qu’il joue.

Antoine Larigaudrie