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Télécoms: quand la Russie contre-attaque

Mikhail Fridman, ici avec le Premier Ministre Russe Dmitri Medvedev, entend lui aussi participer à la grande bataille des télécoms avec son fonds L1Technologies.

Mikhail Fridman, ici avec le Premier Ministre Russe Dmitri Medvedev, entend lui aussi participer à la grande bataille des télécoms avec son fonds L1Technologies. - Mikhail Klimentyev - RIA Novosti - AFP

Après l’offensive remarquée du milliardaire chinois Li Ka-Shing sur 02, c’est au tour de la Russie de fourbir ses armes pour aller batailler sur le secteur des télécoms. Une offensive de poids, menée par Mikhaïl Fridman, 2ème fortune du pays.

Après le pétrole, cap sur les télécoms ! Ancien magnat de l’énergie, et patron du puissant groupe industriel et financier Alfa, Mikhaïl Fridman a décidé lui aussi de se lancer dans ce qui ressemble de plus en plus à une bataille de géants internationaux autour du secteur des télécoms.

Le milliardaire, qui a bâti notamment sa fortune sur l’achat et la vente d’actifs pétroliers, a monté ces dernières semaines un fond d’investissement, Letter One (L1) Technologies, qui sera basé à Londres et doté au départ de 16 milliards de dollars de capacités d’investissements. N’ayant contracté aucune dette, l’effet de levier pourrait donner à L1Tech une capacité totale de 25 milliards au total à terme.

Des actifs de poids, un casting de rêve

Enfin, au cœur de ce fonds, il y aura deux actifs majeurs : les 48% que Mikhaïl Fridman détient dans Vimpelcom, l’opérateur télécom russe, 6e mondial en termes d’abonnés, ainsi que 13% de l’opérateur turc Turkcell.

La liste des associés de ce fonds ressemble au casting du film Expandables, rapporté au secteur high-tech européen. Pas que des financiers soucieux de leurs placements, on remarque surtout un nombre très important d’anciens managers de poids de l’industrie.

On a un des fondateurs de Vodafone, Julian Horne-Smyth, un ancien haut dirigeant de Skype, un des anciens responsables de la division paiements électroniques chez Google, le co-fondateur de Lastminute.com, Brent Hoberman, ainsi que Denis O’Brien, un entrepreneur qui dynamise depuis plusieurs décennies le secteur des télécoms en Irlande.

Secouer le marché avec des ruptures technologiques

Au vue du pédigrée des intéressés, il est clair qu’un grand plan d’investissement et de stratégie industrielle se dessine, face aux ambitions concurrentes du chinois Hutchison Whampoa. Autant Li Ka-Shing a toujours eu comme objectif de rendre moins chère l’utilisation des données télécom, et structurer ses investissements autour de cette idée, là la stratégie d’L1Tech est de créer une sorte de rupture technologique dans le domaine des télécoms professionnelles.

Le but est de proposer de nouvelles solutions de nature à changer les usages et les pratiques dans ce domaine, au cœur d’une industrie qui, du constat même d’L1Tech, ne fait ces temps-ci que détruire de la valeur économique, notamment via les politiques de prix. "Ce secteur a besoin d’être secoué, refondé de fond en comble si on veut qu’il soit à nouveau rentable sur le long terme et profitable pour les investisseurs"a déclaré le N°2 d’L1Tech, Alexei Reznikovich.

Opérateurs et développeurs

Dans un premier temps, le fonds de Mikhaïl Fridman va chercher à investir soit dans des opérateurs télécoms qui souhaitent de nouveaux capitaux et de nouveaux actionnaires structurels. Avec des deals à prévoir notamment autour des 2 marchés qui intéressent L1Tech, les Etats-Unis et l’Europe.

Mais les autres cibles sont des sociétés de taille plutôt réduites, développeurs de technologies, d’applications, fournisseurs de solutions de streaming, de nature à unir et faire coopérer tout ce petit monde pour structurer des offres innovantes pour les entreprises en priorité.

Pas de face-à-face direct avec la Chine

Et puis, il est aussi question de rebattre profondément les cartes du secteur télécoms au niveau mondial, et particulièrement en Europe, là précisément où les acteurs locaux, comme en France, hésitent encore à lancer des offensives, occupés qu’ils sont à tenter de conserver leur rentabilité mise à mal par un contexte de prix complexe.

Du coup, c’est encore une fois du côté des grands acteurs étrangers qu’on anticipe la décision de lancer les grandes manœuvres. Pas forcément en opposition, fort peu probable que Mikhaïl Fridman parte en guerre frontale contre Li Ka-Shing à ce niveau-là. Les deux hommes se connaissent bien, et visiblement ont choisi deux axes de développement différents.

Initiateurs du Big Bang ?

Ils négocient d’ailleurs une première opération de fusion de certains de leurs actifs en Italie, 3, la marque créée par Li Ka-Shing et 4ème opérateur local, et Wind, 3e acteur du pays et filiale du Russe Vimpelcom. Donc on voit que sur certains marchés, ils seront tout à fait capable de s'entendre, pour fusionner, façonner le paysage, et en tirer des sources de profit.

Le fond L1Tech de Mikhaïl Fridman rejoint donc Hutchison Whampoa, la holding de Li Ka-Shing, dans le cercle de ceux qui vont restructurer le paysage de l’industrie des télécoms, ce qui laisse entrevoir des batailles à venir à plusieurs milliards de dollars de nature à largement intéresser les investisseurs boursiers.

Antoine Larigaudrie