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Vallourec: l’État met la pression sur un groupe en pleine tempête

Emmanuel Macron en visite sur le site Vallourec de Saint-Saulve, en juillet dernier. Le Ministre de l'Économie a décidé de prendre personnellement le dossier en main, demandant au groupe des "efforts".

Emmanuel Macron en visite sur le site Vallourec de Saint-Saulve, en juillet dernier. Le Ministre de l'Économie a décidé de prendre personnellement le dossier en main, demandant au groupe des "efforts". - François Lo Presti - AFP Photo

L’avenir de Vallourec tient désormais du défi. Au cœur de la plus forte crise de son histoire, le spécialiste du tube sans soudure doit désormais composer avec un État-actionnaire qui veut intervenir directement dans le processus de restructuration.

Rarement on aura vu un modèle industriel autant mis au défi ces dernières années. Mais la chute spectaculaire de Vallourec en bourse ces 5 dernières années, -90%, témoigne des difficultés d’un groupe qui doit affronter la pire des conjonctions d’éléments qui soit.

Déjà, la chute totalement effarante des prix du pétrole. Après plusieurs phases de correction, la baisse atteint maintenant 70% sur un an et demi, rendant caduque la majeure partie des grands projets d’extraction pétrolière.

Des temps difficiles pour le "Métal Déployé"

Et Vallourec y joue un rôle absolument indispensable, en fournissant les produits les plus techniques pour ce genre de chantier. Les longs tubes sans soudure issus du "Métal Déployé", nom d’origine de Vallourec, sont vitaux pour ces travaux.

Mais les cours actuels du brut, qui ont toutes les peines du monde à se stabiliser, rendent totalement inutiles la plupart des coûteux investissements nécessaires, face à une activité condamnée à ne plus être rentable.

Gaz de schiste et nucléaire

Vallourec a été salué par les autorités américaines comme cheville ouvrière de l’essor du gaz de schiste, après l’ouverture de son usine dans l’Ohio il y a 5 ans. Depuis, le secteur est sans doute celui où les désinvestissements ont été les plus sévères.

Outre le pétrole, Vallourec est aussi très présent dans l’énergie, notamment nucléaire, un secteur également sinistré entre des investissements très coûteux aussi bien pour les nouveaux équipements que le démantèlement des anciens, et de grandes interrogations stratégiques, notamment autour de la technologie EPR.

Crise structurelle et stratégique

Mais Vallourec est avant tout un sidérurgiste de spécialité, pris au milieu des considérations de ce secteur, sinistré lui aussi puisque confronté à une chute spectaculaire du minerai de fer. Face aux interrogations concernant la demande chinoise et la situation des stocks, face à la chute générale des prix, impossible de trouver des équilibres de rentabilité satisfaisants.

Enfin, le groupe subit de plein fouet les déséquilibres économiques et politiques des pays dans lesquels il a investi, notamment le Brésil. Véritable eldorado il y a encore 6 ou 7 ans, le pays a dû affronter la plus forte volatilité monétaire de ces 50 dernières années, avec la très forte hausse du Real puis sa dégringolade.

Restructuration drastique

Le pays est désormais empêtré dans des scandales de corruption chez ses hauts dirigeants, dont la présidente Dilma Roussef, scandales justement liés au secteur pétrolier, et notamment à la major locale Petrobras.

Vallourec tente donc de maintenir son activité au milieu de cette extraordinaire tempête qui ébranle l’ensemble de son modèle industriel et ses choix stratégiques. Et face à la violence de ces mouvements, le groupe n’a pas eu d’autre choix que de se restructurer.

Le réveil de l’État actionnaire

2000 suppressions de postes, dont près de la moitié en France, cession totale ou partielle de sites, notamment dans le nord de la France, énormes provisions… Le groupe a dû mettre en place les mesures les plus drastiques pour pouvoir poursuivre son activité sur un rythme acceptable. Mais Vallourec va devoir composer désormais avec un État actionnaire qui a décidé de prendre le dossier en main, fort de 11,5% des droits de vote de l’entreprise.

C’est même le ministre de l’Économie Emmanuel Macron qui a décidé de s’en occuper personnellement. ll réclame des "efforts" de la part de Vallourec, notamment pour revoir à la baisse le nombre de postes supprimés en France et les fermetures ou cessions de sites, tout en abaissant le dividende, voire la rémunération des dirigeants du groupe.

Syndrôme Arcelor-Mittal?

Un coup de pression marqué, face à une entreprise décrite par le gouvernement comme un "fleuron" de l’industrie française, et toujours au cœur de bassins d’emplois importants, notamment dans le Nord et en Bourgogne.

Mais beaucoup d’analystes de marché jugent que cette initiative est périlleuse, tant elle condamne un peu plus Vallourec à demeurer un objet de défiance de la part des investisseurs, si jamais le dossier est traité avec un biais politique marqué, comme a été traité le dossier Arcelor-Mittal.

L'État actionnaire: solution ou problème?

Sans compter que le maintien d’une activité doit avoir un objet et un prix, qui dans le cas de Vallourec, semble désormais particulièrement difficile à déterminer.

De quoi complexifier un peu plus l’énorme chantier que doit mener à marche forcée Vallourec pour poursuivre son activité ces prochaines années. Et le coup de pression du gouvernement ressemble plus, pour l’instant, à un 4ème élément de la tempête dans laquelle est plongé le groupe, que comme une voie vers une solution durable.

Antoine Larigaudrie