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Pourquoi la hausse des salaires aux États-Unis a fait plonger les Bourses

VIDEO - L'annonce vendredi d'une croissance des salaires plus rapide que prévue aux États-Unis est à l'origine d'un vent de panique qui ne se limite pas à Wall Street. Explications.

Après l'euphorie, le retour à la réalité? Wall Street ne cessait de battre des records depuis des mois et voici que vendredi, l'indice Dow Jones a commencé à dévisser sérieusement, jusqu'à perdre plus de 1.800 points en deux jours! La Bourse américaine a déjà effacé les gains obtenus depuis le début de l'année. Les marchés étant interconnectés, l'Asie cette nuit et l'Europe ce mardi ont accusé le coup. A Paris, le CAC 40 a clôturé en baisse de 2,35%.

L'élément déclencheur de cette panique est survenu vendredi. Le ministère du Travail américain a annoncé une croissance des salaires plus forte qu'attendue: 2,9%, soit la plus forte hausse depuis juin 2009. En conséquence, l’inflation pourrait s’accélérer, incitant la Fed à durcir davantage sa politique monétaire.

Les mesures de la Fed ont longtemps profité au marché des actions

Pour contrer les effets de la crise financière, les banques centrales, à commencer par la Réserve fédérale, ont mis en place des mesures de soutien à l’économie, notamment en baissant leurs taux. Ces mesures dites "accommodantes" ont fait baisser les coûts des emprunts pour les États mais aussi pour les entreprises et les ménages. Ces derniers ont pu par exemple bénéficier de taux bas sur les crédits immobiliers pour financer l'achat d'un appartement ou d'une maison.

En revanche, du point de vue des investisseurs, des taux bas rendent nettement moins attractifs les placements sur un marché réputé peu risqué : celui des obligations, en particulier les obligations d'États. Par exemple, en ce moment, celle de l’État français à 10 ans affiche un taux d’intérêt de 0,99%... Et par le passé, le rendement était nul voire négatif. Les investisseurs se sont donc détournés de ce marché au profit celui des actions et de produits financiers plus risqués. Cela explique en partie les performances des indices boursiers ces dernières années. 

"Réaction épidermique"

Avec la reprise économique, arrivée plus tôt aux États-Unis qu’en Europe, la Fed a décidé d’amorcer un retour à la normale de sa politique monétaire. Depuis 2016, elle a relevé ses taux à cinq reprises, mais en douceur.

Pour mémoire, les banques centrales ont pour mission d’assurer la stabilité des prix, ce qui correspond à une inflation proche de 2%. Celle-ci n’est pas au rendez-vous, malgré un chômage proche de 4%, d'où la volonté de la Réserve fédérale de rester "accommodante". 

Sauf que l'accélération de la croissance des salaires change la donne. Elle fait craindre une envolée des prix. La banque centrale pourrait alors augmenter plus fortement ses taux cette année pour enrayer ce risque. 

Les marchés, qui avaient démarré 2018 sur les chapeaux de roues, ne l'avaient pas anticipé. Pris par surprise, ils ont eu une "réaction épidermique" vendredi, excessive, commente Julien-Pierre Nouen, directeur des études économiques de Lazard Frères Gestion.

Trading haute fréquence

La panique s'est poursuivie lundi "à cause d'indicateurs techniques", poursuit Julien-Pierre Nouen. Sur les marchés, les investisseurs se basent sur ces indicateurs pour déterminer leurs opérations.

S'ils s'emballent, les investisseurs vont réduire leurs participations dans les produits financiers risqués, amplifiant la tendance à la baisse... Et ce d'autant plus que nous sommes à l'ère du trading haute fréquence, ces transactions financières exécutées automatiquement et à grande vitesse par des algorithmes.

"Une correction" et pas un krach

Faut-il pour autant craindre un krach boursier? Pas vraiment selon Julien-Pierre Nouen: "Remettons les choses en perspectives, à part une correction assez modérée lors du référendum sur le Brexit, cela faisait depuis début 2016 qu’on n'avait pas eu de baisse significative du S&P 500", indice le plus représentatif du marché boursier américain.

Aux États-Unis, le marché est revenu à son niveau de mi-décembre. La correction de ces derniers jours "n'est pas si forte", observe le directeur des études économiques de Lazard Frères Gestion. Des soubresauts peuvent encore se produire dans les prochains jours, mais la situation n'est pas dramatique. Julien-Pierre Nouen se veut rassurant :

"Les fondamentaux de l'économie sont toujours présents: le contexte économique est porteur, les résultats des entreprises sont bons - surtout aux États-Unis du fait de la réforme fiscale - et les taux d'intérêt ne sont pas assez hauts pour peser sur l'activité."

Jean-Christophe Catalon