Les jeunes diplômés d'école de commerce restent optimistes

Les jeunes diplômes des écoles de commerce trouvent plus facilement du travail, indique la dernière enquête de la Conférence des grandes écoles (CGE). Début 2016, 74,% des diplômés de 2015 étaient en activité professionnelle; 84,4% des diplômés de 2014 et 91% des diplômés de 2015. Par rapport à la même enquêté réalisée un an plus tôt, ce taux d'activité est en hausse de 1% pour la promotion la plus récente. Une amélioration qui s'exprime dans les témoignages recueillis.
Anne, diplômée de l’EDHEC Lille en 2012
En sortant de l'école, j’ai trouvé très facilement un travail dans un grand cabinet d’audit. Ces cabinets recrutent beaucoup car le turnover y est important. J’y suis resté un an, mais je m’y suis plutôt ennuyée. J’ai voulu me réorienter vers le numérique, mais ce fut difficile. Le numérique s’est beaucoup spécialisé, compartimenté en sous-domaines très pointus. Les entreprises cherchent des profils expérimentés, et on ne peut plus postuler à tout. J’ai finalement trouvé du travail dans un grand groupe digital. Mais la grande entreprise ne répond pas à mes attentes: trop de contraintes, pas assez d'agilité, trop de poids de la hiérarchie…
Depuis la prépa, je rêve d’entreprendre, et je travaille à un projet de start up. Beaucoup créent des start up pour devenir riche, mais ce n’est pas ma motivation principale. Je veux avant tout développer un projet, et si possible ne pas avoir à revendre ma boîte dans deux ans. Créer sa start up à la fin de ses études est difficile car on manque d’expérience, d’argent et de réseau. Le faire après quelques années d’expérience permet d’éviter pas mal d’erreurs. Mais la pression est plus forte, car aujourd’hui, j’ai une famille et des revenus réguliers avec mon CDI. Cela me force à limiter les risques financiers et à être exigeant sur mon concept. Les salariés qui démissionnent pour créer une entreprise devraient être accompagnés et aidés financièrement.
Au final, j’aspire aujourd’hui à faire ce qui me plaît vraiment, comme beaucoup de diplômés de ma génération. Nous réagissons à la pression qu’on nous impose pour faire la meilleure école, l’entreprise la plus prestigieuse… Aujourd'hui on ne juge pas assez les gens à leur bonheur, mais plus à leur réussite professionnelle et à leur rémunération.
Trevor, diplômé de Kedge Business School en 2014
J’ai trouvé plutôt facilement un premier poste dans le cabinet de recrutement Uptoo. Depuis septembre 2016, je dirige une start up interne, Klimbr, qui commercialise une application d'aide au management d'équipes de ventes. Parmi les 500 élèves de ma promo, la quasi-totalité a trouvé un travail en 3 ou 4 mois. Mais beaucoup n’ont toujours pas trouvé leur voie: ils sont partis dans la mauvaise direction, et ont dû se reconvertir, ou ont vu leur période d’essai non renouvelée. Notamment beaucoup de ceux qui sont partis dans le conseil ou l’audit ont vite été lessivés, et ont généralement arrêté au bout de 2 ans.
Je ne me suis pas senti concerné par le chômage. Il n’y a pas de vraie crainte de ne pas trouver de travail. Mais j’aspirais à autre chose qu’un job alimentaire. La moitié de notre vie ne peut pas être une contrainte. De plus en plus, la crainte est donc plutôt de ne pas trouver le bon équilibre avec sa vie personnelle. Notre génération pense à son bien être, se demande tout le temps si elle a trouvé le bon équilibre. Elle n’est plus systématiquement prête à travailler beaucoup juste pour s’enrichir. Elle fait le choix de jobs moins bien payés mais plus motivants. Elle est en quête de sens, elle veut comprendre son rôle dans l’entreprise. Elle se lasse très très vite, au bout d’un an à peine. Elle est beaucoup plus volatile que nos parents qui ont fait le même métier pendant 15 ans d’affilée. Les jeunes diplômés voient dans la presseénormément de succes stories de start-up et d'entrepreneurs qui réinventent le monde de demain et ont naturellement tendance à vouloir s'inspirer de ces aventuriers des temps modernes. Pour beaucoup, ils se créeront leur propre travail car ils ne veulent pas d’un patron et sont en recherche d’indépendance. Mais je pense qu’il y aura de nombreuses déconvenues, car l'entrepreneuriat ’est tout sauf simple.
De manière générale, on est arrivé à la limite du modèle. Cela a changé le rapport de force avec les entreprises. C’est désormais à l’entreprise de se vendre aux bons profils, soit l’inverse d’il y a 5 ou 10 ans. Et cela commence à se voir dans les grands groupes. Alors imaginez les difficultés d’attractivité pour de plus petites structures et notamment celles qui évoluent dans des environnements pas très sexy…
Sarah, diplômée de l'Inseec en 2015
Après mon mastère II en marketing, communication et stratégie commerciale de l’Inseec, je suis partie un an en Australie, et je suis revenue en France en novembre 2016. J’ai trouvé mon premier emploi assez rapidement et plus vite que prévu, en 2-3 mois. Je n’avais même pas commencé à chercher vraiment. La crise ne m’a jamais préoccupée, et je ne m’en inquiétais pas trop. Mon objectif était de trouver un travail où je serai épanouie. J’ai fait un stage dans une grande entreprise, qui ne m’a pas donné envie de travailler dans un grand groupe. J’étais plus attiré par l’univers des start up, où les relations humaines sont plus développées, et où il y a beaucoup d’opportunités d’emploi.
J’aimerai bien créer une start up un jour. Mais ce n’est pas un but en soi. J’aimerai créer une entreprise ayant une mission profonde et réfléchie en proposant aux gens une solution concrète. J’attends donc de trouver une telle idée.
Sami, diplômé de l'IESEG en 2018
Après mon mastère à l’IESEG, j’aimerai travailler en banque d’affaires ou en cabinet de conseil en stratégie. Je ne ressens pas la crise sur le marché du travail: les entreprises viennent régulièrement à l’école nous proposer beaucoup d’offres. Je ne pense pas avoir de problèmes pour trouver un travail avec mes diplômes. Il y a toujours des opportunités. Je ne pense pas galérer mais pas trouver en un claquement de doigts non plus. Il y a beaucoup de compétition pour les meilleurs postes, certains cabinets de conseil sont plus difficiles à décrocher.
Aurélien, diplômé de l'Essec en 2018-19
J’étais plutôt bon élève, donc je me suis laissé porter et j’ai continué mes études. Je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire en prépa ou en arrivant à l’Essec. J’ai fait un stage chez Thalès, j’y ai découvert le secteur de la défense qui m’a plu, et cela m’a donné envie de travailler dans ce secteur. Si l’on doit travailler toute sa vie dans un secteur, autant qu’il vous passionne… Un secteur qui me passionne est pour moi plus important qu’un secteur qui propose les meilleurs salaires, comme la finance ou le conseil, qui attirent chacun 20% des diplômés de l’Essec. Mais le prestige de ces deux secteurs peut attirer certains élèves qui sont encore dans la logique des concours, ou n’ont pas de passion pour un secteur particulier.
Beaucoup créent aussi leur start up en sortant de leur école, il y a une sorte de bulle. C’est actuellement le meilleur moyen de gagner énormément d’argent. Mais je ne pense pas qu’on puisse créer tout et n’importe quoi. Il ne faut pas devenir entrepreneur juste pour créer une entreprise, mais pour développer un produit qui a du sens.
Lors de la crise financière de 2008, j’étais en seconde. On nous disait qu’il fallait reporter notre entrée sur le marché du travail, prolonger nos études à cause de la crise. Finalement, je serai sur le marché du travail dans un an ou deux, et cela ne m’inquiète pas trop. J’ai confiance dans mes capacités et dans les entreprises. Je pense qu’il faut se confronter au marché du travail, et que la crise est le meilleur contexte pour créer. Il faut se créer sa place, se rendre essentiel. Mais je ne donnerai pas tout à mon travail, et je rechercherai un équilibre avec ma vie personnelle
Arielle, diplômée de HEC en 2019
En arrivant à HEC, je ne savais pas exactement ce que je voulais faire après, comme la plupart des élèves. J’avais juste le profil type d’une bonne élève en math. Aujourd’hui, je sais que je souhaite travailler pour l’Etat. Cela me parait noble et important. Je voudrais contribuer à améliorer la qualité du service public, le rendre plus agile, l’aider à migrer vers le numérique. En pratique, je vais suivre un double cursus à Sciences Po, et pourquoi pas passer tenter l’ENA.
Je suis passionnée par les start up, j’aimerai un jour devenir entrepreneure, mais pas directement à la fin de mes études. Monter une start up à 23 ans est incertain et énormément risqué: à cet âge là, votre expertise est limitée. Sauf à être financièrement soutenu par ses parents, c’est aussi un gros sacrifice d’accepter de vivre avec le RSA.
Je n’ai pas peur de la crise du tout. On trouve des stages sans difficulté. Les entreprises françaises se portent très bien, et viennent nous recruter. La difficulté est de trouver un travail qui m’intéresse et qui a du sens –c’est le plus important pour moi. Je ne veux pas travailler jusqu’à 23 heures dans un bureau à Londres ou à La Défense. Le salaire n’est pas pour moi une fin en soi. De toutes façons, je gagnerai plus en sortant d’école que mes parents. D’autres s’épuiseront à courir après le meilleur alaire, mais qu’auront-ils gagné?
Antoine, diplômé de l’Essca en 2020
Je pense trouver du travail sans trop de difficultés à la sortie de l’école. Les diplômés des grandes écoles de commerce ou d’ingénieur sont très demandés. Mais c’est plus compliqué pour mes amis qui ont seulement le bac, beaucoup de portes leur sont fermées.
J’ai voulu faire une école directement après le bac pour passer tout de suite à la pratique. J’avais peur d’apprendre en prépa des choses pas forcément utiles dans le monde du travail.
J’aimerai travailler dans les ressources humaines, car j’ai quelque expérience de la gestion des conflits dû à mon passé de capitaine d’une équipe de rugby. Précisément, je m’intéresse au recrutement, à la formation, et à la responsabilité sociétale des entreprises. Mais pour moi l’essentiel est d’être épanoui dans son travail et de vivre sa passion.