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Comment Quick s'est refait une santé grâce à la viande halal

Les restaurants français de la marque de fast-food vont être cédés à un fonds américain qui entend bien multiplier les ouvertures. Face à la concurrence de McDonald's, la chaîne a réussi une réorientation vers les burgers halals.

"Toujours là!". En 2019, Quick lançait une campagne de communication pour se rappeler au bon souvenir de ses clients. Largement dépassée par McDonald's, ringardisée par Burger King, la marque n'est pourtant pas sortie du paysage français. En début de semaine, le propriétaire des restaurants français, le Groupe Bertrand a annoncé leur vente au fonds américain HIG Capital pour une somme évaluée à 240 millions d'euros par Bloomberg.

Une jolie somme pour une enseigne destinée, un temps, à disparaitre de l'Hexagone. Il faut dire que l'entreprise n'en n'est plus à son premier soubresaut. Dès les années 1970, deux Belges réussissent ce qu'aucun Français n'a tenté avec succès: concurrencer le géant McDonald's qui venait d'arriver en Europe. Les premiers restaurants sont inaugurés à Schoten (près d'Anvers) et Waterloo (près de Bruxelles).

Quick (bien détacher le "u" et le "i" pour respecter la prononciation belge) prend racine dans son pays d'origine avant de déborder sur la France au début des années 1980. La consécration financière est pour l'année 1993: le groupe décide de s'introduire en Bourse à Bruxelles. "L'action Quick vaut 1.625 F. On va se l'arracher", écrivait alors le journal Le Soir, évoquant le "miracle du hamburger à la belge." Mais en 1996, la marque voit sa cote s'effondrer avec la crise de la vache folle.

Le virage vers la viande halal

Cela ne l'empêche cependant pas de croître. En 1997, Quick décide de racheter les restaurants français laissés vacants par Burger King, qui n'a pas encore réussi à se faire une place au soleil, lors de sa première tentative. Le Belge est alors le seul à titiller McDonald's sur le secteur du burger. Au début des années 2000, il représente même un quart du marché tricolore. "nous, c'est le goût", martèle le groupe avec des égéries de choix pour ses pubs: Eric & Ramzy ou Tony Parker vantent le Giant et le Quick'N Toast.

En 2006 l'animateur Cauet, qui fait les belles heures de TF1 et de Fun Radio en attirant un jeune public amateur d'humour potache, signe un contrat avec Quick pour un sandwich en édition limitée. Un gros hamburger sur-mesure avec trois steaks, "goûté et approuvé" par la star du PAF de l'époque.

En 2007, Quick passe sous pavillon français, racheté par une filiale de la Caisse des dépôts et consignations. Mais en 2011, un cas d'intoxication mortelle à Avignon amorce le déclin du groupe. En 2015, Quick est repris par Groupe Bertrand, qui en profite pour revendre les restaurants belges à un autre acquéreur, pour des raisons stratégiques. L'idée de remplacer la marque historique par Burger King, dont le retour en France est très attendu.

Peu à peu, Quick disparait un peu à l'ombre des géants américains. En réalité, le groupe opère un virage stratégique et ce, depuis 2012. Sans vraiment l'expliciter, l'idée est de faire passer certains restaurants en 100% halal, ce que McDonald's ou Burger King ne sont pas capables de proposer.

2,5 fois plus de chiffre d'affaires

En 2012, la marque signe un partenariat avec l’Association Rituelle de la Grande Mosquée de Lyon (ARGML) pour certifier la viande halal proposée dans les restaurants, non sans provoquer les critiques, notamment de l'extrême-droite.

Les uns après les autres, des restaurants obtiennent leur certification. Selon le site de l'ARGML, c'est le cas d'environ 80 restaurants Quick (sur les 107 cédés à HIG Capital), dont le flagship inauguré en février dernier boulevard Sébastopol à Paris.

Si le groupe est toujours resté discret sur la question, la stratégie économique est claire d'autant que la plupart des restaurants appartiennent à des franchisés, pas forcément intéressés à basculer en Burger King. Avec la viande halal, Quick s'est ainsi trouvé un marché porteur, débarrassé des gros concurrents. Résultat, la marque réalisait avant la crise un chiffre d'affaires solide de 227 millions d'euros pour un Ebitda de 21 millions d'euros selon Bloomberg.

"C'est une stratégie gagnante, les restaurants passés au halal ont fait 2,5 fois plus de chiffre d'affaires, confirme Bernard Boutboul, président de Gira Conseil. A chaque fois, cela fonctionne très fort."

"Doubler la taille du réseau"

Selon l'AGEFI, les restaurants français intéressaient d'ailleurs le fonds belge Kharis Capital qui avait déjà récupéré les restaurants de la Belgique et du Luxembourg. Propriétaire de deux autres marques de fast-food halal (O'Tacos et Chick & Cheez), Quick lui est finalement passé sous le nez.

Le nouvel acquéreur, HIG Capital ne s'y trompe pas. Il a l'objectif de "doubler la taille du réseau dans les années à venir" même si la question du halal n'est jamais évoquée. "Ce serait dommage de ne pas poursuivre, juge Bernard Boutboul. C'est une excellente stratégie qui fait plus de chiffre d'affaires et plus de rentabilité. D'autant que Quick est tout seul sur le burger".

Avec le risque d'en faire une marque communautaire? Le consultant balaye l'argument. Le meilleur exemple d'un fast-food halal qui a su élargir sa clientèle, c'est le spécialiste du poulet frit KFC. Même chose pour O'Tacos ou Point B.

"Le halal, c'est 11 à 12 milliards de chiffre d'affaires annuel en France, quatre fois plus que le bio", insiste Bernard Boutboul. Quick l'a bien compris et a su trouver la formule gagnante pour viser de nouveaux sommets.

Thomas Leroy Journaliste BFM Business