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Economie

MEDEF, CGPME, une erreur historique

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Lundi prochain les organisations patronales « mobilisent » sous des formes diverses. Elles commettent une erreur historique potentiellement dévastatrice

Comment est-ce seulement possible ? Le budget 2015 porte les efforts les plus considérables voté par le parlement pour les entreprises en France depuis 30 ans, et les organisations qui portent la parole de ces mêmes entreprises vont lancer une mobilisation elle aussi historique puisqu’on prévoit même des manifestations de rues.

Ces quelques lignes suffisent-elles à résumer l’absurdité de la situation ? Je le crois. Mais si tout cela n’était qu’absurde ce ne serait finalement pas si grave, ce n’est pas la première fois que le patronat se ridiculiserait, pas la dernière non plus.

Quelle est la situation ? Celle d’un environnement économique qui est en train de se transformer radicalement. Nous sommes au bord de vivre les jours les plus importants de notre continent depuis des années. Aujourd’hui, Jean Claude Juncker présente un plan d’investissement que l’on peut trouver trop timide mais qui a l’immense mérite d’exister, de donner un contenu, une voix et un cap à l’Europe fédérale. La semaine prochaine, 4 décembre, la Banque centrale européenne pourrait donner une nouvelle dimension à son action, en tout cas Mario Draghi dit maintenant qu’il faut agir « sans délai », enfin le 10 décembre, Emmanuel Macron présente sa «loi croissance » dont chaque jour, chaque fuite, nous donne une nouvelle dimension.

Est-ce que chacun réalise la séquence ? Le gouvernement veut fabriquer des accords de compétitivité « offensifs » qui permettraient à toutes les entreprises, même celles qui vont bien, de déroger temporairement aux règles de temps de travail et de salaire, veut ouvrir massivement les secteurs contraints, veut non seulement libéraliser le travail du dimanche mais même donner aux PME la possibilité de ne pas alourdir le coût du travail ce jour-là, etc…

… et le patronat français va partir en grève !? Pour solder le passé ? Pour le compte pénibilité, les hausses d’impôts des deux dernières années ? Après la grève préventive, on aurait la grève punitive ? « Oui, on comprend, vous avez changé, mais faut quand même qu’on marque le coup parce qu’on a souffert », c’est sérieux cet enfantillage ?Vous réalisez que ça se passerait en Italie ou en Espagne vous seriez debout sur la table à applaudir?

Maintenant, pourquoi est-ce grave ? Parce que les patrons, les vrais, dans leurs boites, sont perdus. Je leur parle tous les jours, ils tombent de l’armoire quand on leur dit qu’il n’y a plus de charges patronales sur le SMIC au 1er janvier prochain, ils en doutent. Je prends là-dessus ma part de responsabilité, nous avons donné beaucoup trop d’importance à ces frondeurs de pacotille, mais si les syndicats patronaux eux-mêmes contribuent à brouiller le message, et avec quelle force, alors il ne va rien se passer, et toute la séquence qui s’ouvre va se dérouler en pure perte.

L’économie des entreprises, la vie des entreprises, ce ne sont pas des courbes et des chiffres, c’est un type qui, à un moment, prend un risque. Ou ne le prend pas. Rien d’autre. Et ce risque seul peut fabriquer la croissance. Chacun aujourd’hui essaie de recréer l’environnement qui peut favoriser cette prise de risque. Ramener les doutes et la confusion pour régler des comptes, et accessoirement assurer ses parts de marché électorales est irresponsable, voilà l'enjeu. 

«Oui, mais nos adhérents sont excédés, vous ne vous rendez pas compte ». Bien sûr que je me rends compte, mais je crois que le rôle des hommes d’état au sens large, c’est justement de savoir convaincre et entrainer, pas de subir. C'était toute la logique du "million d'emploi". En revanche, là on subit, et c’est une lourde faute.

Stéphane Soumier