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Auto-entrepreneurs: quelle réforme de leur statut ?

Le régime d'auto-entrepreneur ne devrait pas être modifié en profondeur par le gouvernement.

Le régime d'auto-entrepreneur ne devrait pas être modifié en profondeur par le gouvernement. - -

Alors que le gouvernement hésite sur la réforme de ce régime, la Commission des affaires économiques de l’Assemblée se réunissait mercredi 22 mai pour évaluer les retombées du dispositif. Concurrence déloyale, travail dissimulé, fraudes, ces critiques sont-elles justifiées ?

Faut-il durcir le régime de l’auto-entrepreneur ou bien se contenter de le modifier ? C’était la question posée par les députés, ce mercredi 22 mai, lors d'une table-ronde organisée par la Commission des affaires économiques de l’Assemblée.

Initialement, François Hollande avait promis de réformer le régime en profondeur, face aux critiques des artisans et des professionnels du bâtiment. Mais depuis, le gouvernement Ayrault tâtonne et promet de simples aménagements.

Ne pas payer la TVA, bénéficier d’importants allègements de charges: le dispositif lancé par Hervé Novelli en 2009 a pourtant rencontré un succès certain. Quelque 900.000 personnes ont opté pour le statut d'auto-entrepreneurs. C'est la moitié des créations d’entreprises enregistrées en France depuis quatre ans.

> Un faible taux de transformation vers une entreprise

Le dispositif devait contribuer à la création d’entreprises pérennes. Or, cette ambition est loin d’être atteinte. Seulement 49% des auto-entrepreneurs déclarent un chiffre d’affaires, et 90% d’entre eux n’atteignent pas à titre personnel le Smic mensuel, selon le rapport rendu en avril par l’Inspection générale des finances et celle des affaires sociales.

Moins de 10.000 auto-entrepreneurs ont réussi "à sortir du régime par le haut", en basculant vers une entreprise standard, estiment les auteurs du rapport, Philippe Laffon et Pierre Deprost.

"On a des familles très différentes d’auto-entrepreneurs", a commenté Philippe Laffon devant les députés. Une minorité de créateurs d’entreprises utilise ce régiment comme un tremplin vers un statut pérenne. De nombreux chômeurs tentent de créer leur propre emploi, avec un projet pas toujours bien défini. Beaucoup d’étudiants ou de personnes âgées exercent également une activité accessoire pour s’assurer un complément de revenu grâce ce régime.

> Concurrence déloyale

Les représentants de l’artisanat et du bâtiment se plaignent de la concurrence d’un régime dérégulé, qui freinerait la création de véritables entreprises. Tous espèrent interdire l’accès des auto-entrepreneurs à leurs secteurs respectifs.

"Nous avons subi une double peine avec la crise : celle de la baisse d’activité et celle d’une concurrence déloyale", insiste Alain Griset, le président de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA).

Une concurrence minime, rappelle Philippe Laffon. La part d’activité des auto-entrepreneurs dans ces branches reste "de l’ordre de 1 à 2%". "Nous ne sommes pas parvenus à objectiver que la création de X auto-entrepreneurs correspond à la perte de X salariés dans tel ou tel secteur", explique l’inspecteur général des affaires sociales.

> Travail clandestin

Autre grief : le travail au noir. Certains patrons forcent leurs salariés à se déclarer en auto-entrepreneurs pour bénéficier des allègements de charges. Pour Patrick Liebus, de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), "c’est du Zola au XXIe sicècle".

"Le risque existe", reconnaît Philippe Laffon, "il est manifesté par un nombre incalculable de remontées". Mais le manque de statistiques ne permet pas d’évaluer correctement le détournement salarial.

> Fraude fiscale

Dernier constat : les auto-entrepreneurs sont mal accompagnés, et pas toujours en règle sur le plan fiscal. Près d’un tiers des auto-entrepreneurs subissent un redressement fiscal, pour recouvrer de petites sommes : 500 euros en moyenne. Une fraude que Philippe Laffon attribue à la "méconnaissance des obligations déclaratives".

Face à toutes ces critiques, le président de l’Union des auto-entrepreneurs, François Hurel, met en garde contre un projet de réforme qui pourrait "casser une dynamique autour de l’esprit d’entreprise". "Je préfère quelqu’un qui gagne 3.000 euros par trimestre et qui paye quelques cotisations que quelqu’un qui fait la même chose le samedi et le dimanche et qui ne déclare rien."

> Un projet de loi avant la fin de l'année

Sylvia Pinel, la ministre déléguée à l’Artisanat doit être entendue par la commission parlementaire avant fin juillet. Objectif : présenter un projet de loi avant de la fin de l’année.

Le gouvernement a déjà esquissé les contours de sa réforme : limiter la durée du statut dans le temps pour les auto-entrepreneurs dont c’est l’activité principale, pour les inciter à voir plus grand. Le projet se heurte pour l’instant à une difficulté : définir un seuil de revenu pour séparer clairement activités à plein temps et complémentaires.

Romain Fonsegrives