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Emploi

Bruno Le Maire relance le « made in France »

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- - Eric Piermont/AFP

Le ministre de l’économie veut relancer la production en France, les industriels demandent des actes

Bruno Le Maire a décidé de marcher dans les pas d’Arnaud Montebourg : « il s’agit d’engager la bataille de la fabrication en France ». Ce n’est pas une conversion surprise, on a vu le ministre monter en puissance depuis quelques semaines. D’abord l’usine Ford de Blanquefort en Gironde (850 salariés).

Le constructeur américain affirme que la solution la plus sage est un plan de fermeture ordonnée pour une usine qui n’a plus de marché, avec des indemnités pour les salariés et juge « peu sérieuses, sans garanties, sans stratégie » les offres de reprises. « Je ne suis pas d’accord du tout avec cette vision » répond le ministre, qui prend le dossier à bras le corps, appelle personnellement le patron de Ford et le conseiller économique de Donald Trump à la Maison Blanche, sans que l’on sache encore s’il va pouvoir infléchir la décision.

Vient ensuite Ascoval (281 salariés) : situation bien plus complexe. Le site sidérurgique est en parfait état mais n'a plus de marché, et Bercy se retrouve à devoir faire pression sur le premier client, Vallourec, fabricant mondial de tubes sans soudures pour l’industrie pétrolière, lui-même dans une situation difficile. Le ministre a botté en touche, nommant un comité d’audit qui va sans doute conclure que le site est condamné et qu’il faut travailler en priorité sur le reclassement des salariés. Dans ces conditions Blanquefort et Ascoval pourraient devenir les symboles d’une nécessaire contre-attaque industrielle

« gagner la bataille de la fabrication en France »

« Les derniers rapports sont sans appel » dit le ministre, « en termes d’innovation, en termes de recherche, notamment grâce au crédit d’impôt recherche, nous sommes en train de gagner la bataille. Mais il y a une autre bataille à gagner, et nous sommes déterminés à la gagner, c’est la bataille de la fabrication en France ».

Le ministre réagissait à une récente étude de France Stratégie montrant que l’investissement des entreprises françaises est au premier rang européen pour ce qui est des logiciels, des bases de données ou de la R&D. Mais il est en revanche largement distancé pour les machines et équipements, comme si les entreprises françaises investissaient pour produire ailleurs.

Et pour cause répondent les industriels, à commencer par leur porte-parole le plus célèbre Louis Gallois, l’appareil productif français est encore aujourd’hui bien trop chargé en taxes et impôts pour être réellement compétitif. Les industriels disent depuis le début que le CICE, par exemple, a tapé bien trop large en se concentrant sur la masse salariale, trop large et pas assez industriel en se limitant aux salaires proches du SMIC alors que les salaires industriels sont bien au-dessus. Ils insistent aujourd’hui sur les « impôts de production », toutes les taxes, souvent locales, sur le chiffre d’affaires qui pèsent 80 milliards.

Le même Bruno Le Maire avait laissé entrevoir un geste l’année dernière, il ne s’est finalement rien passé, le gouvernement préférant le consommateur, à travers la taxe d’habitation, au producteur. France Industrie a même fait ses calculs et estime qu’au rythme actuel les usines supporteront une charge de fiscale de 2 milliards€ supplémentaires.

Faut-il maintenir la priorité à l’emploi ?

Bruno Le Maire reste-t-il aujourd’hui dans l’incantation ? En tout cas il ne prend pas de gros risque. La discussion budgétaire est derrière nous sur la partie recette, il ne se passera plus rien d’ici septembre 2019 et l’entrée dans le cycle budgétaire 2020. D’ici là combien de Blanquefort ou d’Ascoval ? L’autre sujet reste celui des emplois. Site industriel ne rime pas forcément avec emploi industriel : « nous voulons que l’industrie crée des emplois, qu’elle franchisse le cap des nouvelles technologies mais qu’elle soit capable aussi de maintenir ses processus de production en France » disait encore Bruno Le Maire.

C’est là que les responsables politiques doivent faire face à des choix industriels qui viennent en contradiction avec leurs objectifs. L’industrie moderne, c’est l’industrie 4.0, ultra-digitale, ultra-robotisée. Les emplois sont toujours là, mais différents, et forcément moins nombreux. « Espérer la relance de l’emploi industriel semble compliqué » nous dit un représentant patronal, « et si le gouvernement nous impose des objectifs là-dessus, il tuera dans l’œuf le mouvement de production qu’il veut recréer ».

Le coq de la « French Fab » porté par BPI France, peut amener de la richesse, de la production, une amélioration de nos comptes extérieurs, mais pas forcément les emplois qu’espèrent les responsables politiques.