Pourquoi le chômage devrait encore augmenter
Les chiffres du chômage pour le mois de mai ont été publiés le 26 mai. Et heuseuse surprise, on ne compte que 100 demandeurs d'emplois supplémentaires ! François Hollande serait-il donc en passe de maintenir son objectif: inverser la courbe du chômage avant la fin de l’année ? La semaine dernière, l’Insee lui a pourtant donné tort, tablant sur un taux à 10,7% pour la fin 2013.
L’ennui est que l’Insee est loin d’être isolé. La Commission européenne voit le chômage s’élever à 10,6% cette année et à 10,9% en 2014. Le FMI est plus pessimiste (11,2 % puis 11,6%). Les économistes du Crédit Agricole pensent qu’il atteindra un pic à 10,9% l’année prochaine, tandis que leurs collègues de BNP Paribas évoquent un chiffre de 12%. L’OFCE table, lui, sur un chômage à 11,6% pour l'année prochaine. Voici les principales raisons qui expliqueraient cette hausse.
> La croissance encore trop faible
Emploi et croissance sont étroitement liés. Les économistes du Crédit Agricole ont ainsi calculé que pour maintenir stable le chômage, il faudrait une croissance annuelle de 1,57%, ce que confirment leurs homologues de BNP Paribas qui évoquent un chiffre de 1,5%. Un niveau qui est largement supérieur à la prévision du gouvernement (1,2%).
Par ailleurs, une hausse du PIB ne produit pas immédiatement d’effets sur l’emploi. Axelle Lacan et Robin Mourier, du Crédit Agricole, estiment que le décalage est de deux trimestres.
> L'accroissement de la population active
C’est une mécanique implacable: si les créations d’emplois ne suivent pas l’augmentation de la population active, le nombre de demandeurs d’emplois augmente, et le chômage avec.
Or, actuellement, l'emploi se târit: 64.000 destructions auront encore lieu au second semestre selon l’Insee. Et l’OFCE table sur un chiffre de 113.000 destructions pour 2014. Simultanément, la population active s'accroît (+119.000 en 2013).
La pyramide des âges et la réforme des retraites, qui décale la sortie des seniors du marché du travail, n'y sont pas étrangères. L’OFCE évalue ainsi à 45.000, le nombre d’actifs supplémentaires par an dû à la réforme de 2010, sous Nicolas Sarkozy.
> Les entreprises vont reconstituer leurs marges
Les marges des entreprises sont en chute libres: elles ont atteint un plus bas historique au quatrième trimestre 2012 avec un taux de 29,1%. Les économistes du Crédit Agricole estiment que les entreprises vont redresser ces marges, ce que confirment les projections de l’Insee.
Or “le rétablissement des marges suppose une réduction des coûts de production, et donc une poursuite de l’ajustement des effectifs”, écrivent Axelle Lacan et Robin Mourier du Crédit Agricole, dans une note publiée le 14 juin dernier. L’OFCE estime, par ailleurs, que pour retrouver les niveaux moyens de marges des années 1990-2007, les entreprises devraient supprimer un million d’emplois.
> Une boîte à outils insuffisante
La boîte à outils du Président de la République aura des effets positifs, mais ceux-ci ne suffiront pas à enrayer la chute de l'emploi. Concernant le Crédit d'impôt compétitivité, Mathieu Plane, de l’OFCE estime qu’il va créer 23.000 emplois en 2013 et 46.000 en 2014. Pour les contrats de génération, un des composants du "traitement social", l’OFCE retient des chiffres de 20.000 créations en 2013 et 26.000 en 2014.
“Au final, les créations d’emplois marchands associées à ces deux dispositifs (...) limiteront les destructions d’emploi marchand à -152 000 en 2013, et -113 000 en 2014”, écrivent les économistes de l’organisme de conjoncture.
Pour les emplois d’avenir, Hélène Baudchon et Agnès Dufour, de BNP Paribas, estiment, dans une note publiée le 21 juin dernier, que “leur succès est incertain”. Quant aux conséquences de la loi sur la sécurisation de l’emploi, elles jugent que “les effets positifs à en attendre devraient rester limités”.
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