BFM Business
Emploi

Conjuguer rire et travail, c'est possible!

Au bureau, l'humour peut être une puissante "soupape". Mais attention à ce qu'il soit accepté par tout le monde et compris (image d'illustration).

Au bureau, l'humour peut être une puissante "soupape". Mais attention à ce qu'il soit accepté par tout le monde et compris (image d'illustration). - Manduhsaurus - Flickr

Féroce, graveleux ou potache... l'humour est un "anti-stress magnifique" pour les salariés. De plus en plus requis, c'est un outil qui reste à manier avec précaution. Et pour ceux qui peineraient à dérouiller leurs zygomatiques, il existe des ateliers pour apprendre à se laisser aller à rire.

C'est l'été, l'open-space se vide, et avec la charge de travail qui décline, peut-être vous laissez-vous plus facilement aller à rire au bureau. Mais peut-on rire de tout avec ses collègues ? Rit-on de la même façon dans tous les secteurs d'activité ? Comment les entreprises cherchent-elles à utiliser le rire, connu pour évacuer les hormones du stress, pour aider leurs salariés à se sentir mieux ? Eléments de réponse.

Des ateliers du rire pour déstresser

Le mot travail est étymologiquement associé au tripalium, un instrument de torture. Pas facile à conjuguer avec le rire. Et pourtant, certains s'y essayent. C'est le cas de Clémantine Dunne, somato-praticienne sollicitée par des entreprises pour apporter de la "fraîcheur mentale" via son association Coeur de Rire. Pas si facile, témoigne-t-elle. "Demander aux gens de lever les bras, de faire 'ah ah ah', 'oh oh, oh'" nécessite "toute une préparation", "des échauffements, des tapotis, du do in, des auto-massages", avant d'aborder "les techniques du yoga du rire" et "zinziner", explique-t-elle. C'est "un anti-stress magnifique le rire".

L'humour est une puissante "soupape", confirme Olivier Ouzé, "entraîneur de bonne humeur". Dans ses ateliers, il utilise notamment "l'humour de situation" pour aider des managers "à relativiser leur rôle" et "se sentir mieux". 

L'humour, une qualité prisée des recruteurs

De fait, nombre d'études scientifiques témoignent des vertus du rire, qui permet d'évacuer l'adrénaline, l'une des hormones dite "du stress". Selon Marc Loriol, sociologue à l'IDHES, laboratoire de recherche en sciences sociales, avoir de l'humour est devenu une qualité plus fréquemment demandée, même là où on ne l'attend pas.

Pour preuve, cette offre d'emploi de chargé d'affaires où "sens de l'humour et résistance au stress et aux déconvenues" sont recherchés. L'humour est notamment demandé aux cadres qui doivent "faire passer quelque chose de difficile" ou à des métiers "où il faut s'adapter à un public difficile", les blagues sur les clients servant de "défouloir de protection".

Des boutades propres à chaque métier

Dans les métiers "très masculins", les boutades permettent d'"asseoir la domination" d'un groupe sur un autre, explique Marc Loriol en prenant l'exemple du BTP où on plaisante pour justifier un travail "très fortement réparti en fonction de l'origine ethnique". C'est le cas aussi chez les médecins, pour "affirmer la supériorité de sa spécialité", explique sa consoeur Emmanuelle Zolesio. L'humour "grivois" des médecins "est clairement un instrument d'éviction des femmes". L'"humour noir" est également présent chez les carabins, une "façon de gérer la situation critique", constate la sociologue.

"Chaque métier a son propre type d'humour", relève Marc Loriol. Celui des cabinets de conseil est particulièrement "compliqué" à maitriser, décode Valérie Boussard, professeur de sociologie à l'université Paris-Ouest Nanterre. L'humour "d'autodérision" est "la marque des grands", le signe "qu'on a intégré les règles du jeu", estime-t-elle. A côté des blagues "sexistes" renvoyant "les femmes à leur place dans ce monde d'hommes", les blagues peuvent également porter sur les difficultés d'un travail "répétitif" pour "marquer les frontières entre les bons et les moins bons".

Attention, à manier avec précaution!

Peut-on rire de tout entre collègues? Si les salariés bénéficient de la liberté d'expression, "l'humour au travail est à manier avec précaution", souligne Eric Rocheblave, avocat en droit social. "Cela peut être une méthode de management. Mais il faut que ce soit accepté par tout le monde et compris", dit-il en évoquant le cas d'un salarié auquel son employeur avait imposé de se déguiser en Darth Maul, le méchant de Star Wars, alors que ses collègues avaient des costumes positifs. "Il n'a pas apprécié l'humour et a obtenu gain de cause en justice".

Il cite également l'exemple d'un salarié licencié pour avoir régulièrement surnommé un collègue "biloute" ou d'un délégué syndical mis à pied pour avoir caricaturé son employeur.

Des poissons d'avril de mauvais goût peuvent aussi se retourner contre les farceurs, comme cette aide-soignante en maison de retraite qui avait déguisé une personne âgée de 91 ans pour faire rire un infirmier... Dans le registre des blagues racistes. Me Rocheblave a notamment défendu avec succès un salarié de l'hôtel Negresco à Nice moqué dans une affiche disant en substance: "si vous écrasez un arabe: + 2 points", "si vous écrasez [Prénom du salarié] = 1500 points".

V.R. avec AFP