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Kinésithérapeute, le métier qui ne connaît pas le chômage

Avec 5 années d'étude, les kinésithérapeutes exerçant en secteur hospitalier débutent leur carrière à 1.350 euros net.

Avec 5 années d'étude, les kinésithérapeutes exerçant en secteur hospitalier débutent leur carrière à 1.350 euros net. - Christof Stache - AFP

Selon le baromètre trimestriel de Jobintree publié ce lundi, aucun métier n'offre à ceux qui l'exercent plus d'opportunités d'emploi que celui de masseur-kinésithérapeute. Et le numerus clausus régulant l'accès à la profession ne suffit pas à expliquer cette pénurie.

Mais où sont les kinésithérapeutes? Les candidats ne se bousculent pas pour postuler aux offres d'emploi qui fleurissent sur les sites spécialisés. Selon le baromètre trimestriel publié par Jobintree, quand un employeur potentiel poste une annonce, il reçoit en moyenne trois candidatures, soit 20 fois moins que la moyenne, tous métiers confondus.

Comment expliquer une telle pénurie? Pas par manque de vocations. Les jeunes qui veulent devenir kinésithérapeute restent très nombreux. Mais l'entrée dans le métier est régulée. Le diplôme d'Etat de masseur- kinésithérapeute s'obtient après quatre années de formation. Auparavant, il faut réussir le concours d'entrée, accessible après une première année en fac, permettant d'intégrer l'un des 41 centres de formations. Pour l'année universitaire 2016-2017, le nombre de places disponible a été fixé à 2.693. Soit 62 de plus qu'il y a un an. Un nombre manifestement insuffisant pour répondre à la demande. Par ailleurs, la formation est assez coûteuse, certains instituts exigeant jusqu'à 8.500 euros de frais de scolarité par an.

40% des jeunes ont obtenu leur diplôme hors de France

Pour échapper au numerus clausus français mais aussi pour bénéficier de tarifs plus attractifs, certains étudiants font le choix d'aller se former ailleurs en Europe. La Belgique a eu un temps les faveurs des Français, mais la mise en place de quotas a réduit le flux. Désormais c'est l'Espagne qui attire les étudiants, grâce à la mise en place de cursus reprenant point par point celui délivré en France, et parfois même avec des professeurs francophones. "40% des 4.315 nouveaux inscrits au Conseil de l'ordre ont obtenu leur diplôme à l'étranger", explique Pascale Mathieu, présidente du Conseil national de l'Ordre des masseurs kinésithérapeutes.

On l'aura compris, le système du numerus clausus n'est donc pas la seule raison de cette pénurie. Elle s'explique surtout par le choix de carrière que font les kinésithérapeutes: sur les 86.500 praticiens inscrits à l'Ordre national, 80% exercent en libéral. Seuls les 20% de diplômés ayant opté pour le statut de salarié en milieu hospitalier sont donc susceptibles de répondre aux offres d'emplois publiées.

Des conditions d'exercice difficiles

Pourquoi le statut de salarié a-t-il si peu d'adeptes? D'abord les rémunérations proposées sont très faibles au regard du temps et du coût de la formation: de l'ordre de 1.350 euros (salaire net mensuel). Alors que la rémunération moyenne d'un kinésithérapeute en libéral atteint 3.400 euros, selon l'Union nationale des associations agrées.

Mais la faiblesse de la rémunération n'est pas seule en cause, car certains services hospitaliers trouvent plus facilement des candidats dès lors qu'ils proposent des postes de kinésithérapeutes en réanimation ou dans un service de cardiologie… "Les candidats sont motivés par la perspective de faire de la recherche, d'exercer dans des secteurs de pointe travaillant sur les greffes du cœur par exemple", précise Pascale Mathieu.

Ce sont les services où l'on travaille en flux tendu qui rebutent ces professionnels. Ils redoutent, non sans raison, de pas pouvoir exercer correctement leur métier. "Le secteur hospitalier manque de main d'œuvre pour toutes les tâches. Ainsi, des kinés ne peuvent pas s'occuper de certains patients, car ils n'ont pas vu d'aide-soignante avant. Du coup, ils sont obligés de courir partout après", regrette Pascale Mathieu, qui tire la sonnette d'alarme sur les conséquences de cette situation. "Au final, c'est le patient qui va en faire les frais, car il ne peut bénéficier d'un vrai suivi et des soins appropriés" regrette la présidente du conseil national, qui milite pour une revalorisation du statut de la kinésithérapie salariée.

Coralie Cathelinais