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La création d'entreprise tente de moins en moins les jeunes diplômés

Les diplômés en mastère de gestion d'HEC

Les diplômés en mastère de gestion d'HEC - AFP Pierre-Franck Colombier

Pour les jeunes diplômés des grandes écoles trouver un emploi est redevenu aussi facile aujourd'hui qu'avant la crise de 2008. Du coup, ils sont bien moins nombreux à se laisser tenter par l'expatriation ou la création d'entreprise.

La crise? Quelle crise? Les jeunes diplômés des grandes écoles (de commerce ou d'ingénieurs) connaissent de moins en moins la crise, à en croire l'enquête publiée par la Conférence des grandes écoles. Tous les indicateurs sont à nouveau au vert, après un creux atteint il y a trois ans. "Ce sont les meilleurs résultats depuis la crise financière", s'est félicité Peter Todd, directeur général d'HEC.

Seuls 11,6% des diplômés de 2016 cherchaient encore un emploi début 2017, un taux en recul de trois points en un an, et de 5 points en deux ans. Inversement, 86,5% disposaient d'un emploi ou d'un volontariat, un pourcentage en hausse de 3,4 points en un an, et de six points en deux ans.

La précarité recule aussi: parmi ceux qui ont un emploi, 79,1% sont en CDI, une proportion en hausse de 2 points en un an, et de 5,3 points en deux ans.

Pas de pression sur les salaires

Avec un marché aussi dynamique, les jeunes diplômés des grandes entreprises cherchent de moins en moins à créer leur propre job en fondant une entreprise. Seuls 3% des jeunes diplômés se lancent dans l'aventure entrepreneuriale (soit environ 1.500 personnes), contre 4,1% un an plus tôt. "Quand l'économie s'améliore, il est plus facile d'aller en entreprises. Parmi les multiples options qui s'offrent aux jeunes diplômés, quand l'option entreprise est plus présente, on voit un peu moins d'entrepreneurs", explique Peter Todd.

Ce dynamisme retrouvé incite aussi moins à s'expatrier. Seuls 15,2% de nos jeunes diplômés ayant un emploi l'exercent à l'étranger, un taux en recul de 2,4 points en deux ans.

Seule ombre au tableau: la rémunération. "Il n'y a pas beaucoup de pression sur les salaires. Sur la dernière décennie, ils augmentent en moyenne de 0,4% par an. Corrigé de l'inflation, il n'y a donc pas du tout d'augmentation", a pointé Peter Todd.

Diplômes en emploi à l'étranger (l'année suivant leur diplôme)

2013: 15%
2014: 17,6%
2015: 16,6%
2016: 15,2%

Source: CGE

Témoignages

Solange, en 3ème année de licence d’économie à la Sorbonne
Je ne suis pas totalement satisfaite pas la fac: les étudiants sont très nombreux, et ne se démarquent pas sauf s’ils ont des résultats exceptionnels. Je vais préparer les concours des écoles de commerce pour les passer mi-2018. Mais je pense que le marché du travail est difficile, avec peu de postes proposés pour beaucoup de demandes. Surtout, les postes intéressants sont difficiles à obtenir, même après 7 à 8 ans d’études. Pour cette raison notamment, je réfléchis à un projet de start up. Je suis en train d’analyser une dizaine de concepts. J’aimerai entreprendre pour échapper à la routine du CDI, mais aussi c’est un moyen de gagner un maximum d’argent. Je n’ai rien à perdre, je n’ai pas peur de l’échec, et je pense qu’on réussit forcément si l’on s’investit à fond. C’est vrai que les start up sont à la mode, et que je suis une victime de cette mode. Mais cette mode encourage les jeunes à se lancer, ce qui est une bonne chose. Hélas, les investisseurs font confiance aux start upers en fonction des écoles qu’ils ont faites, pas de leur projet ou de leur crédibilité, ce qui est pourtant plus important. C’est assez injuste.

Séréna, diplômée de l’IESEG mi-2022.
Très tôt, j’ai eu un intérêt pour le business et le commerce. Je me souviens que j’aimais bien négocier au souk quand je partais en vacances au Maroc. Je voudrais travailler dans la finance. C’est un secteur qui m’attire depuis toujours, et qui est le plus rémunérateur. Or le salaire est un critère important pour moi. Mais je suis aussi intéressée par les mathématiques qui sont très utilisés en finance. Le fait que mon père investisse en bourse m’a aussi influencé, de même que des films comme Wall street ou Le loup de wall street. Mais j’aimerai aussi travailler dans le sport, et ou devenir un jour entrepreneure. Je pense que la crise sera derrière nous quand je chercherai du travail. Je ne m’inquiète donc pas trop. L’important est de faire beaucoup de stages, et de chercher un travail cohérent avec ses stages.

Martin, diplômé de l’EEMI en 2020
Le chômage ne m’inquiète pas, car les développeurs informatiques sont de plus en plus demandés.
A la fin de mes études, je n’ai pas envie d’aller travailler dans un grand groupe, mais plutôt dans une start up. Et quand j’aurai un peu d’expérience, je voudrais créer ma propre entreprise. Mais on nous enseigne bien à l’EEMI que la majorité des start ups sont des échecs, et qu’il faut donc avoir un projet solide, et éviter un tas de pièges. Les médias parlent beaucoup des start ups, comme si c’était une recette très facile pour transformer le plomb en or. En réalité, ce que les médias n’expliquent pas, c’est que c’est difficile.

Grégoire, diplômé d’HEI mi-2020
Depuis longtemps, j’aime beaucoup les bâtiments historiques. Je souhaite donc travailler dans le BTP ou l’immobilier, et à HEI j’ai choisi la spécialité génie civil. Mais au sein de ce secteur, plusieurs métiers différents m’attirent. J’espère que mes différents stages me permettront de choisir entre eux. Après mon diplôme, j’envisage de faire le mastère spécialisé ‘management urbain et immobilier’ de l’Essec, il me permettra d’acquérir de nouvelles connaissances dans ce secteur. Je ne ressens pas la peur de la crise. Rien que pour nos stages, nous sommes très sollicités: j’ai dû refuser trois offres. Cela prouve qu’il y a une réelle dynamique dans le secteur de la construction / réhabilitation actuellement. Et selon les statistiques, 98% des diplômés de HEI ont trouvé un poste dans les quatre mois suivants. Je ne me vois pas passer 40 ans dans la même société. Je pense que –comme toute ma génération- j’aurai envie de changer d’entreprise –voire de métier- pour pouvoir découvrir et enrichir mes connaissances dans plusieurs secteurs

Vincent, diplômé de Neoma Reims en 2020
Après mon diplôme, j’envisage de faire une école de design de mode, comme l’Institut français de la mode, car j’aimerai travailler dans ce secteur. Certes, ce secteur n’est pas globalement prospère en ce moment, mais certaines marques marchent très bien. Bien sûr, la crise me fait forcément, peur, donc je prends des risques mesurés. Avec deux amis, Joachim et Enguerran, nous avons déjà créé une marque de street wear baptisée Cellar Paris, qui propose T shirts, casquettes, pull à capuche, et veste imperméable. Nous avons fait une campagne de pub sur les réseaux sociaux, et déjà réussi à écouler toutes nos casquettes.

Carine, diplômée de l’Ensta ParisTech en 2019
En 3ème année, je voudrais suivre la filière 'finance quantitative' car c’est le domaine dans lequel j’aimerai travailler. Je ne suis pas vraiment inquiète pour trouver mon premier emploi. Il n’y souci pour les diplômés des écoles d’ingénieur, même les moins cotées. La plupart des élèves de l’Ensta sont embauchés à l’issue de leur stage de 3ème année. Mais travailler en France ne m’attire pas vraiment: c’est trop rigide et il y a une pression financière des impôts. Je voudrais donc travailler à l’étranger, en Amérique ou en Asie, pour découvrir autre chose.

Alexandre, diplômé de Rennes School of Business mi-2019
Au lycée, je n’avais pas d'idée précise de ce que je voulais faire. J'ai donc opté pour une prépa commerciale qui me permettait de conserver un large panel d'opportunités tout en me donnant le temps de découvrir ce qui me plaisait le plus. J’aime bien les mathématiques, j’ai donc choisi de me spécialiser en finance une fois en école de commerce. Je compte travailler dans une banque de financement et d’investissement. Précisément, mon objectif est de travailler dans une banque d’affaires sur les fusions/acquisitions –c’est un domaine qui permet de rester en contact avec les entreprises et d'accéder rapidement à des responsabilités importantes. Les rémunérations élevées y vont de pair avec des horaires très lourds. Je suis néanmoins prêt à investir une grande partie de mon temps et de mon énergie. Je serais ravi de trouver mon premier emploi en France, mais si ce n'est pas le cas, je n'hésiterais pas à saisir d'autres opportunités à Londres, New York ou encore Singapour. Il ne faut pas avoir peur d'emprunter des voies parallèles si la porte principale semble désespérement fermée. Mais le marché du travail en banque de financement et d'investissement n'est pas une source d'inquiétude pour moi. Le Brexit risque d'être à l'origine de bon nombre d'opportunités notamment à Paris ou à Francfort

Louka, diplômé de Sup'Internet mi-2017
Je suis passionné d’informatique depuis mon plus jeune âge. Je voulais devenir développeur, mais le codage m’est apparu trop routinier et peu créatif. Mon intérêt pour les enjeux du digital et plus particulièrement le web, m’ont poussé à rejoindre Sup’Internet. J’ai donc intégré la filière e-business/webmarketing. Je chercherai un poste dans la stratégie digitale, une expertise qui combine mes envies stratégiques et créatives, car le web nous le permet. La crise ne me fait pas peur, je reçois déjà beaucoup d’offres d’emploi. Dans le digital, les salaires sont attractifs, vu qu’il s’agit de compétences nouvelles. Malgré tout, nos métiers sont dépendants de la constante évolution de ces compétences, ce qui nous oblige à une autoformation continue.

Jérémy, diplômé de l’EM Normandie en 2017
Je n’ai pas connu la crise. J’ai trouvé très facilement un stage dans une start up, puis j’ai souhaité rester et ils m’ont proposé un CDI. Dans ma promotion, une bonne partie a aussi été embauchée après son stage, mais certains galèrent un peu plus. L’école de commerce a tendance à créer certaines attentes. On nous fait miroiter de trouver un travail en deux mois avec à la clé un salaire élevé pour un profil de junior. Il peut également se développer un esprit de compétition entre élèves pour avoir le meilleur salaire à la sortie. En réalité, on peut trouver rapidement, mais peut-être pas au niveau de salaire espéré. Je pense que si on veut travailler, on trouve toujours, mais pas forcément un poste qui corresponde à toutes ses attentes. Je souhaitais travailler dans une start up. J’ai fait un mastère entrepreneuriat comme spécialisation. Certes, le salaire est moins élevé que dans un grand groupe, et il y a moins de sécurité. Mais je m’éclate, je me sens beaucoup plus valorisé, je fais des tâches très variées… Pour moi, le plus important est d’être valorisé et reconnu dans le travail que l'on effectue, car c'est ce qui rend un travail plaisant. Le salaire reste un élément important mais passe après à mon sens.

Timothée, diplômé de Supaero en 2015
Après Supaero, j’ai fait un master en entrepreneuriat à Polytechnique. J’ai toujours voulu être entrepreneur, sans doute parce que mon père l’est aussi. Cela permet de s’investir dans un projet qui vous motive, et d’être maître de sa vie. Cela n’a aucun rapport avec les difficultés du marché de l’emploi en France. Une fois diplômé, j’ai hésité à travailler dans le conseil durant 3 ou 4 ans. Mais j’ai finalement préféré me lancer tout de suite dans une start up. Car, à la sortie des études, vous êtes plus créatif, moins formaté, et le risque est minime, vous n’avez pas à renoncer à la sécurité de votre emploi. Avec deux amis, nous avons donc lancé fin 2015 HelloZack, un site de rachat de vos produits Apple. Nous avons clôturé une première levée de fonds auprès de business angels.

Diplômés en création d'entreprise (l'année suivant leur diplôme)

2013: 1,7%
2014: 2,1%
2015: 4,1%
2016: 3%

Source: CGE

Jamal Henni