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Loi Travail: douzième journée de manifestations, le 49.3 plane toujours

Présenté pour la deuxième fois devant les députés, après avoir été remanié, le projet de réforme du Code du Travail suscite toujours de vives contestations. Le gouvernement pourrait à nouveau passer en force. Une source a affirlé à l'AFP que la décision était "actée".

Deux mois après la première présentation du texte devant les députés, le retour du projet de loi Travail à l’Assemblée nationale ne s'annonce a priori pas plus commode pour l'exécutif. L'examen du texte porté par la ministre Myriam El Khomri doit débuter ce 5 juillet dès 15h. Sur le papier, les députés ont jusqu'à vendredi pour examiner un millier d'amendements.

"La colère reste là"

En marge de cet examen, des représentants syndicaux et organisations de jeunesse appellent à manifester, pour la douzième journée. À Paris, la manifestation débutera à 14h et se dirigera de la place d'Italie vers la place de la Bastille. Le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez, assure dans un entretien accordé à l'Humanité: "La colère reste là. Le gouvernement n'en a pas fini avec la loi Travail".

"Nous allons entretenir sous d'autres formes le climat que nous connaissons depuis quatre mois et nous réfléchissons très concrètement à des temps forts à la rentrée", ajoute le syndicaliste.

Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, critique vivement l'attitude du gouvernement de ces derniers mois autour de ce projet de loi, dans un entretien publié par Libération. "Le gouvernement a une grosse responsabilité dans la perception que les Français ont de ce projet", déclare-t-il.

"Quand la fusée est mal lancée, elle ne se remet jamais droite. Et les efforts d'explication déployés l'ont été trop tardivement", poursuit ce responsable syndical, toutefois favorable au projet de loi. 

Matignon veut aller vite

À l’Assemblée, les discussions pourraient rapidement tourner court si l'exécutif, qui en fait à peine mystère, recourt à l'article 49.3 de la Constitution pour faire adopter le texte sans vote. "Pas la peine de perdre encore du temps", soulignait lundi une source proche du Premier ministre, ajoutant: "On a un accord clair avec la CFDT, on ne peut pas prendre le moindre risque de remise en cause". 

Interrogé ce mardi matin sur France Info sur l'éventualité d'un recours au 49.3, le secrétaire d'État aux relations avec le Parlement Jean-Marie Le Guen a répondu: "Nous verrons bien. Mais de toute façon l'intransigeance n'est pas du côté du gouvernement".

"Nous attendons de savoir si après les nombreux gestes qui ont été faits depuis des semaines, mais singulièrement des améliorations qui ont été apportées ces jours-ci, il y a une prise en considération de ceux qui ont un regard critique", a-t-il souligné.

A la mi-journée, l'utilisation de l'article 49.3 ne faisait plus grand doute d'après l'AFP, une source lui ayant affirmé: "La décision est actée et le Premier ministre l'annoncera officiellement dans l'hémicycle, selon toute vraissemblance à l'ouverture des débats à 15h".

François Hollande, comme Manuel Valls, ont de fait prévenu qu'ils défendraient jusqu'au bout un texte "de progrès", même s'il reste jugé défavorable aux salariés par une partie de la gauche, comme André Chassaigne, chef de file des députés Front de gauche, qui craint que l'exécutif dégaine le 49.3 "tel un vieux Colt, très vite".

Le gouvernement peut déclencher à tout moment le 49.3, mais si c'est le cas, il devrait le faire vite. "Personne n'a envie de revivre" le scénario de mai où "la droite s'est débrouillée pour disparaître" et où "la discussion a été monopolisée par l'obstruction d'une partie de la gauche", observe le secrétaire d'État aux Relations avec le Parlement Jean-Marie Le Guen dans Le Monde de mardi.

Une "guérilla parlementaire" redoutée

Dès la matinée, la réunion de groupe PS permettra un état des lieux de la fronde avec un vote interne. Lundi, le patron des députés socialistes Bruno Le Roux s'est dit "assez pessimiste" sur la possibilité d'un débat apaisé sans "guérilla parlementaire".

Après quatre mois de contestation, le gouvernement, malmené dans les sondages à moins d'un an de la présidentielle, a pourtant à nouveau lâché du lest via des amendements en commission pour réaffirmer le rôle des branches, Manuel Valls estimant que "personne ne peut dire que le gouvernement aura été inflexible ou intransigeant".

Le geste a été jugé insuffisant par les opposants, notamment car il ne règle pas "le cœur de la contestation" qu'est l'article 2. Concentrant à lui seul quelque 500 amendements, il consacre la primauté des accords d'entreprise en matière d'aménagement du temps de travail, porte ouverte au "dumping social" pour ses détracteurs.

"Un compromis" jugé possible par des frondeurs

Certains frondeurs ont toutefois jugé "un compromis à portée de main" si la rémunération des heures supplémentaires ne peut être revue à la baisse par un accord d'entreprise.

Un amendement en ce sens a été déposé par plus de 120 députés PS, mais "on a l'impression que le gouvernement ne veut pas de compromis", observe un élu non frondeur, persuadé que cette initiative sera "refusée" et que le 49.3 sera déclenché.

Aller sur ce terrain "ne suffirait pas à embarquer la totalité" des socialistes car "il y a des logiques plus politiques consistant à faire peser sur le gouvernement la responsabilité du désaccord au sein du groupe", estime-t-on dans l'entourage du Premier ministre.

Bien que les manifestations prévues ce mardi soient les dernières de l’été selon Jean-Claude Mailly, la contestation pourrait se poursuivre avec des moyens différents. "Même si cette loi est votée, elle sera comme du chewing-gum qui colle aux chaussures du gouvernement", a déclaré le secrétaire général de Force Ouvrière lundi. Un meeting de l'intersyndicale (CGT, FO, FSU, Solidaires, Unef, UNL et Fidl) est prévu pour mercredi.

Adoption définitive possible le 22 juillet

Par ailleurs, le mouvement "Nuit Debout" prévoit aussi un rassemblement à 19 heures ce mardi près de l'Assemblée. Dans le même temps, le Front de gauche se prépare au dépôt d'une motion de censure en cas de 49.3, avec notamment des écologistes contestataires et des frondeurs. Une initiative qui avait échoué en mai (56 signatures contre 58 requises, dont 26 socialistes) et pourrait à nouveau capoter.

La droite, qui devrait aussi chercher à censurer le gouvernement, se prépare à observer cette "grande aventure", a ironisé un responsable LR, pour qui "tout ça est juste catastrophique".

49.3 ou pas, le texte n'aura pas terminé son parcours, puisqu'il y aura une navette avec le Sénat avant l'adoption définitive d'ici le 22 juillet par l'Assemblée.

A.R. avec AFP