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Pourquoi l'Inspection du travail s'intéresse tant à l'utilisation que vous faites des titres restaurant

Beaucoup de salariés utilisent mal leurs titres restaurant.

Beaucoup de salariés utilisent mal leurs titres restaurant. - Mychele Daniau - AFP

Certains commerçants utiliseraient à des fins personnelles les titres restaurant remis par leurs clients pour régler leurs achats. Certains employeurs paieraient au "black" leurs salariés avec des titres restaurant. L'Inspection du Travail entend débusquer ces fraudes en interrogeant des employeurs et des salariés.

L'Inspection du Travail s'est penchée sur un dossier des plus vastes: l'utilisation frauduleuse des titres restaurant. Un article de Challenges de la semaine dernière racontait qu'un patron de PME avait reçu un rappel à la loi d'un inspecteur du travail. Un de ses salariés était suspecté d'avoir utilisé un titre restaurant un dimanche, ce qui est strictement interdit sauf si le salarié a une dérogation expresse, inscrite sur ses titres restaurant. L'inspecteur du travail demandait, dans ce courrier, des informations sur l'entreprise et sur le salarié en question.

Mais pourquoi un inspecteur du travail se préoccuperait des faits et gestes d'un unique salarié de PME? En fait, ce courrier est une simple pierre... d'un immense édifice. Et de très nombreuses entreprises ont reçu des courriers similaires. L'inspecteur du travail, que nous avons réussi à joindre, a déjà audité plus de 800 entreprises l'été dernier et 539 cet hiver. Dans quelques semaines, il va en analyser plus de 2500 autres. Son but: étudier le trajet exact d'un titre restaurant.

Il espère ainsi établir un état des lieux de l'utilisation abusive, en France, des titres restaurant. Certes, il peut s'agir d'un acte volontaire ou non du salarié (voir encadré ci-dessous). Mais ce qui intéresse réellement cet inspecteur du travail c'est de débusquer "les grossistes en ticket resto". Il donne l'exemple du restaurateur qui, au lieu de se faire rembourser les titres restaurant par la Centrale de Règlement des Titres, s'en sert pour payer ses propres achats. Ou des commerçants qui payent leurs salariés en titres restaurant à la place d'un réel salaire. Des combines parfaites pour "rester en dessous des radars" de l'administration fiscale.

Une vaste fraude

Lors de son enquête, l'inspecteur du travail a détecté l'utilisation le dimanche de plusieurs tickets restaurant dans un restaurant McDonald's. Problème : les salariés à qui étaient attribués ces tickets affirment n'avoir jamais mis les pieds dans cet établissement. Selon lui, cela signifierait donc qu'un intermédiaire (commerçant, restaurateur, …) s'en sera servi illégalement.

Une fraude dont l'ampleur pourrait être gigantesque mais malheureusement pas récente. En 2012, Tracfin pointait déjà du doigt certaines utilisations frauduleuses que cet organisme du ministère de l'Économie et des Finances qualifiait de blanchiment.

Pour l'inspecteur interrogé, le seul moyen d'y mettre réellement fin est d'abandonner le titre restaurant papier pour sa version dématérialisée. Actuellement, c'est le cas pour seulement 30% des salariés qui utilisent des titres restaurant. D'après Europe 1, le gouvernement réfléchit à une dématérialisation totale dès 2020.

Comment utiliser légalement un titre restaurant

Sur le papier, les règles d'utilisation d'un titre restaurant sont simples bien que contraignantes. Elles sont regroupées aux articles R3262-4 à R3262-11 du Code du travail et sur son site l'Urssaf les énumère.

L'employeur donne ces titres au salarié pour son déjeuner. Le salarié ne peut donc pas les offrir à ses enfants ou conjoint. Il ne peut être attribué qu’un titre-restaurant par jour de travail et à condition que le repas soit compris dans l’horaire de travail journalier. Les salariés absents (congés annuels, maladie…) ne bénéficient pas des titres-restaurant pour les jours d’absence. Le salarié ne peut utiliser ces titres que pour régler la consommation d'un repas, d'une préparation alimentaire directement consommable ou des fruits et légumes.

L’utilisation des titres restaurant - papier ou dématérialisés - est limitée à un montant maximum de 19 euros par jour et les restaurateurs ne doivent pas rendre la monnaie. Les titres restaurant ne sont pas en principe utilisables les dimanches et jours fériés, sauf décision contraire de l’employeur au bénéfice exclusif des salariés travaillant pendant ces mêmes jours.

https://twitter.com/DianeLacaze Diane Lacaze Journaliste BFM Éco