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Pourquoi le gouvernement aura du mal à "débrancher" le dispositif du chômage partiel

Interrogé par Hedwige Chevrillon sur BFM Business, le spécialiste du marché du travail Bertrand Martinot estime qu'il va falloir "progressivement diminuer la générosité du dispositif de chômage partiel", pour inciter les salariés à retourner travailler.

La ministre du Travail Muriel Pénicaud a annoncé ce mercredi matin sur BFM Business que 6 entreprises sur 10 ont actuellement recours au dispositif de chômage partiel mis en place par le gouvernement, avec précisément 10,2 millions de travailleurs concernés. Économiste à l'Institut Montaigne spécialiste du marché du travail, Bertrand Martinot se dit "pas extrêmement surpris" par ce chiffre "pour deux raisons".

Non seulement le dispositif est "extrêmement favorable et généreux pour les salariés et employeurs -avec l'exonération totale de cotisations sociales patronales et salariales qui y sont associées- et très facile utiliser" mais "l'ampleur de la baisse de chiffre d'affaires dans plusieurs secteurs économiques est telle qu'il est tout à fait normal que le système marche très bien" estime-t-il.

Bertrand Martinot précise néanmoins que cela ne signifie pas qu'il y a effectivement 10,2 millions de salariés qui sont toute la semaine en chômage partiel. "C'est la somme de toutes les demandes qui ont été faites "mais ça ne veut pas dire qu’à un instant t, il y a 10,2 millions de personnes qui ne travaillent absolument pas, évidemment".

Comment débrancher un tel système? 

Alors que la France doit entamer un déconfinement progressif à partir du 11 mai et que le gouvernement planche actuellement sur plusieurs pistes, Bertrand Martinot prévient que "le problème, c'est qu'il est bien plus facile de mettre en place ce dispositif que de le défaire". "Admettons qu’on n’a plus aucune contrainte des finances publiques, qu’on est dans le “quoi qu’il en coûte”, c’est alors beaucoup plus facile de créer le dispositif que d’en sortir" estime-t-il. 

En l'état, le gouvernement envoie selon lui des incitations contradictoires, "à la fois on appuie sur l’accélérateur en encourageant les salariés à retourner au travail et sur le frein parce qu'il y a toujours une forte incitation pour les entreprises qui n’ont pas fermé mais qui subissent des baisses de revenus de l'ordre de 20 à 30%, à laisser leurs salariés en activité partielle". Bertrand Martinot estime donc qu'il va falloir, progressivement, "que le calibrage soit un peu moins favorable (aux entreprises, NDLR) pour accompagner le retour au travail".

Il précise qu’il va évidemment falloir distinguer entre les secteurs. Pour ceux qui ont l’obligation de fermer (comme les cafés-restaurants), le dispositif doit nécessairement rester en place. En revanche, pour la grande majorité des autres secteurs de l’économie, "il faudra progressivement diminuer la générosité de ce système" juge l'expert, "en particulier pour les employeurs mais aussi pour les salariés". Il précise que le dispositif mis en place par le gouvernement est "le système le plus généreux d’Europe et probablement du monde aujourd’hui". Si rien n'est fait, "il y aura une incitation à ne pas retourner travailler et ce n’est pas franchement la bonne incitation aujourd’hui" conclut-il.

QS