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Huile de palme: l'Assemblée fait marche arrière sur les avantages fiscaux

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- - Adek BERRY / AFP

Après le tollé suscité par un premier vote favorisant l'huile de palme, l'Assemblée nationale a fait marche arrière en maintenant son exclusion de la liste des biocarburants qui bénéficient d'un avantage fiscal.

C'est donc contre l'avis du gouvernement que les députés ont annulé les effets du vote de jeudi. Confronté à un tollé des écologistes et à l'embarras de sa majorité, le Premier ministre Edouard Philippe était monté en personne au créneau vendredi pour réclamer un second vote, "constatant l'absence d'un débat suffisant sur un sujet aussi important", même si le gouvernement était favorable à l'amendement. Les députés se sont finalement prononcés à une écrasante majorité lors de cette nouvelle délibération, 58 à 2. 

L'Assemblée avait voté jeudi un amendement prévoyant le report à 2026 de l'exclusion de l'huile de palme de la liste des biocarburants. Une décision qui a surpris, alors que l'Assemblée avait justement voté l'an dernier l'exclusion de l'huile de palme de ce régime fiscal favorable. Le groupe Total avait d'ailleurs tenté un recours mais le Conseil constitutionnel avait débouté le groupe pétrolier.

Le gouvernement, qui a fait de l'écologie une de ses grandes priorités, est resté vendredi sur sa position en appelant une nouvelle fois à voter en faveur de l'amendement. Mais il a été déjugé par sa propre majorité. "Cette niche fiscale est complice d'un écocide, on ne peut pas soutenir ça", a notamment fustigé l'ancienne ministre de l'Environnement Delphine Batho. D'autres députés ont dénoncé "un vote en catimini" jeudi.

Les associations écologistes étaient également monté au créneau, dénonçant un "lobbying éhonté" de Total, qui a entamé début juillet l'exploitation d'une raffinerie d'agrocarburants à La Mède, près de Marseille. Le site, qui emploie 250 personnes, a prévu de traiter 650.000 tonnes d'huiles et de graisses par an et de s'approvisionner en huile de palme "durable et certifiée" à hauteur de 300.000 tonnes au maximum, selon le groupe pétrolier.

Les associations dénoncent la position du gouvernement

L'utilisation massive d'huile de palme dans l'industrie, des carburants aux cosmétiques en passant par l'alimentation, est accusée par les défenseurs de l'environnement de provoquer une déforestation massive et une menace sur la biodiversité des forêts tropicales mondiales.

Fin octobre, le PDG de Total Patrick Pouyanné avait plaidé sa cause en demandant "juste à être au même niveau de compétition que nos concurrents européens qui, contrairement à nous, bénéficient d'un avantage fiscal jusqu'en 2030".

Côté écologistes, l'association France nature Environnement a dénoncé "un chantage à l'emploi mené par Total autour de l'usine de la Mède, usine dont la légalité est débattue en justice à la suite d'une plainte". Et de dénoncer un désastre environnemental: "Chaque jour, des milliers d'hectares sont brûlés pour faire pousser ces palmiers, déforestant une grande partie de l'Asie du Sud-Est et de l'Afrique".

Greenpeace France, tout en se félicitant que les députés aient "réussi à défendre la nécessité absolue de protéger les forêts tropicales", a dénoncé le soutien du gouvernement à l'amendement controversé, "un non-sens" et "un aveu de l'influence de Total sur le plus haut niveau de l'Etat".

Selon l'ONG, il "prouve que les discours sur l'urgence climatique ne sont, aux yeux du gouvernement, qu'un exercice rhétorique destiné à redorer son image".

Sandrine Serais avec AFP