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Energie

Climat: vers une sortie du charbon en Allemagne d'ici 2038

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- - Barbara LABORDE / AFP

L'Allemagne devrait fermer toutes ses centrales au charbon d'ici 2038 pour atteindre ses objectifs en matière de réduction des émissions de carbone.

"C'est un jour historique", s'est félicité ce samedi à Berlin le président de la commission nationale sur l'avenir du charbon, Ronald Pofalla. Après des mois d'intenses négociations, l'instance composée d'experts, associations écologistes et représentants des employeurs et salariés du secteur est parvenue à un accord sur une feuille de route proposée au gouvernement. Sauf surprise, ce dernier devrait suivre ces recommandations.

Une réunion sur le sujet est d'ailleurs prévue jeudi prochain entre la chancelière Angela Merkel, le ministre des Finances Olaf Scholz et les présidents des régions concernées. «Si nous faisons tous un effort et ne perdons pas de vue l'objectif commun, nous pouvons faire de l'Allemagne un pays modèle en matière de politique énergétique», a déclaré le ministre des Finances dans l'édition dominicale de la Frankfurter Allgemeine Zeitung.

La première économie européenne envoie ainsi un signal fort au reste du continent, qui jusqu'ici avance en ordre dispersé sur ce sujet sensible. Si la France a confirmé son objectif de fermer ses 4 centrales à charbon d'ici 2022, d'autres pays se montrent plus réfractaires à l'idée de se défaire de cette source d'énergie. C'est le cas notamment de la Pologne, qui produit 80% de son électricité grâce au charbon selon Eurostat, et qui construit actuellement une nouvelle centrale géante de 1000 mégawatts. Parmi les autres mauvais élèves de l’Union européenne: la République tchèque et la Bulgarie qui en tirent plus de la moitié de leur électricité, et la Grèce 45 %.

A l'inverse, plusieurs pays se sont fixés un calendrier plus court pour renoncer au charbon. La Grande-Bretagne et l'Italie ont prévu d'abandonner cette source d'énergie d'ici 2025, alors qu'elle représente encore respectivement 23% et 17% de la production d'électricité. Reste à voir si ce calendrier sera respecté.

Plusieurs milliards d'euros sur 20 ans

Cette transition progressive avec plusieurs fermetures de centrales électriques dans les années à venir va pousser l'Allemagne à miser tout, ou presque, sur les énergies renouvelables. Et la facture s'annonce salée: les pouvoirs publics allemands pourraient avoir à payer au total jusqu'à 80 milliards d'euros sur 20 ans, s'ils suivent les recommandations. Les régions touchées dans l'ouest et l'est du pays doivent recevoir 40 milliards d'euros d'aides structurelles à la reconversion au cours des 20 prochaines années.

Des dizaines de milliers d'emplois sont directement ou indirectement liés à la production de charbon dans le pays. Parallèlement, l'Etat est invité à débourser au moins deux milliards d'euros par an pour empêcher un envol des prix de l'électricité.

Les réactions à cette annonce sont évidemment mitigées: d'un coté l'énergéticien RWE qui estime que 2038 était «beaucoup trop tôt» pour sortir du charbon. De l'autre, certaines ONG environnementales comme Greenpeace, qui saluent cette annonce, mais qui voient 2038 comme trop tardive pour atteindre les objectifs de réduction de CO2.

Jusqu'ici l'Allemagne avait bien du mal à respecter ses engagements climatiques de réduction d'émissions polluantes. Le pays s'était engagé à réduire de 40% ses émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2020 par rapport à 1990. Un objectif finalement reporté à 2030.

Actuellement, le charbon représente encore plus d'un tiers de sa production d'électricité, 38% précisément en 2018. Au delà des considérations climatiques et économiques, sortir du charbon est une décision politiquement et symboliquement compliquée en Allemagne. Cette ressource est à l'origine du développement industriel du pays au 19e siècle dans le bassin industriel de la Ruhr dans l'ouest du pays où la dernière mine vient tout juste d'être fermée.

Une étape difficile donc mais importante pour le pays: la sortie progressive du charbon devrait permettre à l'Allemagne d'être plus audible au plan européen et international sur ses efforts en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

Après avoir déjà annoncé la sortie du nucléaire en 2022, le pays va désormais pouvoir se focaliser pleinement sur le développement des énergies renouvelables. Eolien et solaire représentaient en 2017 déjà près du quart du "mix" énergétique national.

Sandrine Serais