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LVMH - Hermès: 5 questions sur les enjeux de l'accord

Bernard Arnault, le patron de LVMH, au défilé Dior printemps-été 2014.

Bernard Arnault, le patron de LVMH, au défilé Dior printemps-été 2014. - FRANCOIS GUILLOT - AFP

Les deux groupes de luxe ont soldé leur contentieux, quatre ans après l'annonce de l'irruption au capital d'Hermès de LVMH. BFMbusiness.com fait le point sur les enjeux et les implications de ce deal.

Une entrée fracassante au capital d'Hermès, quatre ans de conflit, des procédures en justice, des campagnes de dénigrement, une amende record de l'AMF au groupe de Bernard Arnault, et enfin, l'épilogue? LVMH a annoncé avoir soldé son contentieux avec Hermès, ce 3 septembre.

Le géant mondial du luxe et le sellier symbole du raffinement français ont accepté une proposition du président du tribunal de Commerce de Paris, qui arbitrait leurs différends. LVMH va céder sa participation de 23% du capital d'Hermès à ses actionnaires et s'engage à ne plus acheter d'actions du fabricant des fameux carrés pendant cinq ans. Cinq questions pour comprendre les tenants et aboutissants de ce deal.

> Pourquoi l'accord intervient aujourd'hui?

Chez LVMH, on laisse entendre que la nouvelle direction d'Hermès -Axel Dumas a succédé à Patrick Thomas en février- était plus encline à négocier.

Ce calendrier tient aussi à un enjeu d'image. "Clients et actionnaires étaient fatigués de cette guéguerre", explique Sylvain Fort, de l'agence Steele & Holt, qui représente LVMH. "Les deux groupes tentaient de nuire à l'image de l'autre, et finalement tous deux y perdaient", ajoute-t-il.

L'opportunité financière a joué: "le titre Hermès est à un plus haut, quand le marché du luxe a un peu ralentit cette année", note Sylvain Fort. "Pour les actionnaires, c'est la promesse d'une belle plus-value quand ils vendront leur titre".

Enfin Bernard Arnault "ne voulait pas attendre une éventuelle décision du tribunal de commerce qui aurait pu le forcer à sortir entièrement du capital d'Hermès", avance Arnaud Cadart, analyste chez CM-CIC spécialiste du luxe.

> LVMH va-t-il gagner de l'argent? 

Théoriquement, la vente des parts d'Hermès détenues par le numéro un mondial du luxe lui rapporterait aujourd'hui 2,8 milliards d'euros de plus-values. Mais l'accord prévoit à l'inverse que le géant cède ces titres à ses actionnaires. Il va donc, au contraire, déclarer dans ses comptes annuels 2014 un appauvrissement de 6,2 milliards d'euros, la valorisation 2013 de sa participation dans Hermès.

Ses actionnaires, eux, vont s'enrichir lorsqu'ils vendront les titres que le groupe va leur donner sous forme de dividendes. "Chacun recevra une action Hermès pour vingt actions LVMH détenues. Ils devraient les vendre au fil de l'eau", explique Arnaud Cadart.

Bernard Arnault, dont la holding familiale, Groupe Arnault, est actionnaire à 46,5% de LVMH, va récupérer 8,5% du capital d'Hermès, et deviendra à ce titre le premier actionnaire privé du sellier. Mais il ne compte pas vendre à l'heure actuelle, selon Sylvain Fort.

> Que gagne Hermès dans cet accord?

Le petit poucet du luxe se débarrasse enfin d'un actionnaire qu'il jugeait indésirable et dont les intentions lui semblaient douteuses. "Le démembrement de la participation de 23% de LVMH" lui permet de voir s'éloigner le risque de prise de contrôle du petit par le géant, souligne Arnaud Cadart.

En outre, le sellier, dont le capital est verrouillé via sa structure de société en commandite, récupère du flottant. Un objectif capital, martelé par Axel Dumas. "De quoi rendre plus libres les héritiers du fondateur d'entrer ou de sortir du capital à prix correct, et donc apaiser les tensions entre familles", continue l'analyste luxe.

> Pourquoi le titre LVMH monte, et celui d'Hermès descend?

De l'avis général, la correction sur le titre Hermès, qui a perdu jusqu'à 10% ce matin à Paris, est "purement mécanique", résume Jean-Louis Cussac, de Perceval finance. "C'est la prime spéculative (du rachat par LVMH que tout le monde attendait) qui s'envole", renchérit Henrique Cristino, vendeur-actions chez Portzamparc.

Côté LVMH, les marchés se félicitent de ce qu'ils perçoivent comme une "belle opération financière", estime Frédéric Rozier, conseiller de gestion chez Meeschaert Gestion Privée. Par ailleurs, explique Arnaud Cadart, de CM-CIC, tout nouvel entrant au capital de LVMH avant le 20 décembre va bénéficier de la redistribution des titres. De quoi donner envie d'acheter des actions du numéro un mondial.

> Bernard Arnault a-t-il des ambitions de contrôle d'Hermès?

Le groupe et son patron ont toujours nié des intentions activistes sur le capital d'Hermès, et évoquaient "une prise de participation temporaire", rappelle le porte-parole, Hugues Schmidt.

Reste que Bernard Arnault a acquis certaines marques de la galaxie LVMH grâce à ce même mode opératoire: une montée au capital sauvage qui précédait une prise de contrôle totale. Hermès soupçonnait une manœuvre de ce type de l'investisseur Arnault et a tout fait pour protéger son capital.

Aujourd'hui, la participation de 23% est diluée, mais la famille Arnault garde 8,5% via sa holding. Bernard Arnault, qui reste un actionnaire incontournable, pourrait-il encore monter au capital à titre personnel? "Ce serait techniquement possible: une société autre que LVMH, Dior ou Groupe Arnault, qui se sont engagés à ne plus acheter de Hermès pendant cinq ans, pourrait acheter des titres", reconnaît l'analyste de CM-CIC. Mais l'hypothèse lui paraît "peu probable".

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Nina Godart