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5G : sans Huawei, les déploiements coûteront 55 milliards de plus en Europe

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5G - Pau Barrena / AFP

Outre ce surcoût évalué par le groupement industriel GSMA, les déploiements pourraient prendre 18 mois de retard sur le Vieux continent.

Jusqu’ici plus ou moins discrets sur le dossier Huawei, les opérateurs télécoms tirent la sonnette d’alarme. A travers une étude de la GSMA, un groupement d’industriels qui regroupe la plupart des opérateurs et des fabricants de mobiles de la planète, se passer du géant chinois aura un impact sur les coûts et les délais de déploiements.

On sait que Huawei a plusieurs années d’avance sur la concurrence en matière de 5G, notamment grâce à une R&D colossale (numéro 4 mondial) et des dépôts de massifs de brevets. Il est par ailleurs moins cher que ses concurrents.

Cette étude évalue précisément le risque en Europe, et il est élevé. Alors que la 5G est un enjeu stratégique pour la voiture connectée, la ville intelligente, la médecine à distance, l’industrie 4.0, si Huawei est boycotté sur le Vieux continent, les déploiements prendront 18 mois de retard. En cause, les difficultés que pourraient rencontrer les autres équipementiers (Ericsson Nokia et Samsung) pour répondre à l'ensemble de la demande. Il s'expliquerait aussi par le délai nécessaire à certains opérateurs pour assurer la transition vers de nouveaux équipements.

D’ailleurs, le directeur général de Nokia, Rajeev Suri a récemment fait savoir que cette nouvelle donne « peut être une opportunité à long terme, mais plus que ça, c'est difficile à estimer pour le moment ». Et de reconnaître un « retard sur la 5G ».

"Nous estimons qu'une interdiction pourrait élargir l'écart sur la 5G entre l'Europe et les Etats-Unis de 15 points d'ici à 2025", estiment les auteurs de la note.

Selon eux, 25% de la population européenne serait couverte en 5G en 2025 en cas d'interdiction, contre 40% sans interdiction, alors qu'environ 55% de la population américaine disposera de la 5G à la même date, en sachant que les Etats-Unis ne sont jamais passés par des équipementiers chinois pour leurs réseaux.

Victime collatérale

Sur la question prégnante des coûts, la même étude estime qu’une mise à l’écart stricte de Huawei engendrerait des surcoûts de l'ordre de 55 milliards d'euros pour les opérateurs télécoms de la région. Une perspective néfaste pour les opérateurs, notamment français, confrontés à des baisses sensibles de revenus et des hausses des investissements (outre la 5G, il faut fibrer).

Un coût qui pourrait d'ailleurs fortement varier d'un pays à l'autre et même d'un opérateur à l'autre, dans la mesure où l'exposition aux équipements chinois peut être très diverse.

Au global, selon cette étude, le retard que prendrait ainsi l'Europe dans la 5G pourrait se traduire par un manque à gagner économique de l'ordre de 45 milliards d'euros à l'horizon 2024.

Il ne faut pas oublier que ce rapport émane d’un lobby d’industriels mais il confirme ce qu’on savait déjà. A travers Huawei, l’Europe serait clairement une victime collatérale de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine.

Rappelons que Washington ne veut pas que les opérateurs du pays utilisent les équipements de Huawei pour les réseaux en cours de déploiements pour des questions de sécurité nationale, persuadé que le géant est lié directement au régime chinois et espionne donc les Etats-Unis à travers ses équipements. Sans avoir jamais apporté la moindre preuve de ses accusations.

Mais fait pression sur le reste du monde afin que d’autres pays prennent la même mesure. Avec un succès relatif néanmoins. En France, Emmanuel Macron a déclaré : « Notre perspective n'est pas de bloquer Huawei ou toute autre entreprise, c'est de préserver notre sécurité nationale et la souveraineté européenne. Mais je pense que déclencher maintenant une guerre technologique ou une guerre commerciale vis-à-vis d'un autre pays n'est pas judicieux. »

Olivier CHICHEPORTICHE