Pourquoi ADP a échoué en Turquie
Véritable gifle pour ADP. Vendredi 3 mai, Aéroport de Paris est passé à côté du contrat de construction et d'exploitation du troisième aéroport d'Istanbul. Un marché pourtant mirobolant, cet aéroport devant être le plus grand du monde, avec 150 millions de passagers par an, 6 pistes, et une capacité de relier 40% de la population mondiale.
Outre qu'ADP n'aura pas le prestige de gérer cette infrastructure gigantesque, la société à capitaux publics française doit également prendre en compte le dossier TAV. ADP possède, en effet, 38% de ce groupe aéroportuaire turc qui détient la concession de l'aéroport Atatürk d'Istanbul jusqu'en 2021.
L'entrée en fonction du nouvel aéroport, que les autorités espèrent inaugurer en 2018, pourrait constituer un manque à gagner important pour ADP. Et ce, même si les autorités turques se sont engagées à indemniser TAV si Atatürk ferme plus tôt que prévu.
Prix peu raisonnable
Quelles sont donc les raisons de cet échec? La première explication est financière. ADP s'était fixé un montant maximal de 21,5 milliards d'euros. Les enchères ont démarré "à un montant très élevé" et ont paru "déraisonnables et peu rationnelles" aux yeux d'ADP, a déploré Augustin de Romanet, son PDG. Le consortium d'entreprises turques du BTP qui a remporté la concession a mis sur la table 22,1 milliards d'euros.
Mais d'autres enjeux sont entrés en ligne de compte. Pierre Graff, ancien PDG du groupe jusqu'en novembre 2012, n'aurait pas apprécié le contexte politique lors de l'entrée d'ADP au capital de TAV voici un an, comme l'explique Le Monde dans un article du 4 mai.
Connivence avec le pouvoir
TAV a été fondé pour être l'opérateur de l'aéroport Atatürk. Cette entreprise est liée à la famille Dogramaci, dont le patriarche, Ihsan Dogramaci, était l'un des alliés des militaires dans les années 1980-1990.
De son coté, le consortium est mené par le groupe Limak qui est proche de l'actuel gouvernement du premier ministre islamiste, Recep Tayyip Erdogan. Curieusement, il a signé d'importants contrats d'Etat en Turquie.
Il a notamment obtenu la concession du deuxième aéroport d'Istanbul et la gestion du port d'Iskenderun, programmé pour être la plaque tournante commerciale turque à destination du Proche-Orient.