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Affaire Ghosn : un tandem Lagayette / Bolloré pour l'intérim chez Renault

Thierry Bolloré a été nommé directeur général délégué par intérim de Renault.

Thierry Bolloré a été nommé directeur général délégué par intérim de Renault. - ERIC FEFERBERG / AFP

Le conseil d'administration de Renault s'est retrouvé mardi soir pour mettre en place une gouvernance intérimaire. Philippe Lagayette assure la présidence, Thierry Bolloré la direction générale. Ce dernier est nommé mandataire social. Carlos Ghosn conserve son titre de PDG sans pouvoir l'exercer.

Le conseil d'administration extraordinaire de Renault aura duré deux heures. A son issue, se confirment les informations qui ont circulé dans la journée. Les rênes du constructeur sont laissées à un tandem intérimaire formé par l'administrateur référent, Philippe Lagayette, et le numéro deux du groupe automobile, Thierry Bolloré qui devient directeur général délégué et mandataire social. Carlos Ghosn "empêché", reste officiellement PDG. Le communiqué de Renault ajoute que son conseil se réunira "régulièrement, sous la présidence de l'administrateur référent, pour préserver les intérêts de Renault et assurer la pérennité de l'alliance".

Renault demande à Nissan de communiquer

Renault ajoute encore qu' "à ce stade, le conseil n'est pas en mesure de se prononcer sur les éléments dont disposerait Nissan et les autorités judiciaires japonaises à l'encontre de M. Ghosn" et que le constructeur français a décidé de demander à Nissan "sur le fondement des principes de transparence, de confiance et de respect mutuel de la charte de l'alliance, de lui transmettre l'ensemble des informations en sa possession dans la cadre des investigations internes donc M. Ghosn a fait l'objet".
Le conseil d'administration de Nissan se prononcera, lui, sur le limogeage de son président jeudi matin. Mitsubishi Motors (MMC) entend également le "démettre rapidement".

Lâché de toutes parts, Carlos Ghosn, considéré à 64 ans comme un des plus puissants capitaines d'industrie au monde, est toujours détenu à Tokyo, où il a été arrêté lundi en descendant de son jet privé. 
Le parquet japonais reproche au Franco-libano-brésilien d'avoir "conspiré pour minimiser sa rétribution à cinq reprises entre juin 2011 et juin 2015", en ne déclarant que 4,9 milliards de yens (environ 37 millions d'euros) contre près de 10 milliards de yens sur la période.
Dans une conférence de presse d'une brutalité hors du commun, le président exécutif de Nissan, Hiroto Saikawa, a également mentionné lundi "de nombreuses autres malversations, telles que l'utilisation de biens de l'entreprise à des fins personnelles", qui auraient été découvertes après plusieurs mois d'enquête interne.
M. Ghosn aurait en outre, selon la chaîne publique NHK, empoché des sommes déclarées au nom d'autres administrateurs.
La rémunération de ce patron aussi puissant que secret a déjà donné lieu à bien des polémiques, tandis que son train de vie a également pu susciter des commentaires, à l'image par exemple de sa réception de mariage en grande pompe au château de Versailles en 2016.
Carlos Ghosn touchait quelque 15 millions d'euros par an au titre de ses diverses fonctions, un montant particulièrement élevé pour un industriel européen ou japonais, bien que très éloigné des faramineux salaires versés par exemple dans la finance aux États-Unis.

Fragile équilibre

Au-delà du sort personnel de M. Ghosn, c'est toute l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi Motors, dont il orchestrait le fragile équilibre, qui tangue à la suite de ce coup de tonnerre.
Il n'y a qu'à entendre les mots très durs de M. Saikawa, contre celui qui fut son mentor et une figure très respectée au Japon: "c'est un problème que tant d'autorité ait été accordée à une seule personne", a-t-il lâché, dénonçant "le côté obscur de l'ère Ghosn".
L'affaire survient au moment où le PDG de l'ensemble aux 10,6 millions de véhicules travaillait, selon le Financial Times, à une fusion entre Renault et Nissan, une opération que le constructeur japonais rejetait et cherchait à bloquer de crainte qu'elle ne grave dans le marbre son statut de "second ordre" dans la structure, toujours selon le quotidien.
M. Ghosn voulait rendre les liens "irréversibles" entre Renault et Nissan, a commenté dans une note Kentaro Harada, analyste chez SMBC Nikko Securities.
"Nous ne pouvons pas exclure la possibilité que l'alliance se retrouve affaiblie". "Cela va-t-il changer l'équilibre du pouvoir (entre les parties française et japonaise), c'est la principale question", souligne-t-il.
L'agence de notation Standard and Poor's a d'ailleurs annoncé mardi qu'elle envisageait de baisser la note de la dette à long terme de Nissan, en raison en particulier des doutes autour de ce mariage à trois. De son côté, Renault tentait de se montrer rassurant, affirmant mardi soir vouloir continuer à faire progresser son alliance avec ses partenaires.
De même, les gouvernements français et japonais ont réaffirmé mardi dans un communiqué commun leur "important soutien" à l'alliance entre les constructeurs Renault et Nissan.
Les déboires judiciaires de M. Ghosn ont néanmoins suscité l'inquiétude d'employés rencontrés par l'AFP à l'usine de Flins (Yvelines), dont la moitié de la production est constituée de Nissan, témoin de l'étroite imbrication des deux entreprises.
A Paris, le titre Renault a terminé mardi sur un recul de 1,19%, après avoir déjà dévissé de plus de 8% lundi. Les actions des constructeurs japonais ont souffert mardi à Tokyo, terminant en baisse de 5,45% pour Nissan et de 6,84% pour Mitsubishi.

La rédaction avec AFP