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Air France n’échappera pas à une augmentation de capital

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- - ERIC PIERMONT / AFP

La compagnie souffre d’un endettement trop lourd. Une recapitalisation devient nécessaire d'ici l'an prochain. L'entrée dans le capital de compagnies déjà partenaires sur le plan commercial est une option. Reste à convaincre Delta, China Southern et China Eastern.

Air France n’aura pas le choix. Dans les prochains mois, le groupe Air France KLM va devoir se pencher sur le sujet épineux de sa solidité financière. Selon plusieurs sources proches de la compagnie aérienne, une augmentation de capital va devenir indispensable. "La nouvelle direction sait que le groupe est trop endetté et qu’il faudra injecter des fonds propres", explique l’une d’elles. Air France souffre d’un double handicap.

Elle fait partie des compagnies les plus endettées (4,2 milliards d’euros) et les moins capitalisées. L’an passé, elle a échappé de peu à une recapitalisation grâce à la vente de 49,9% de sa filiale de restauration Servair et sa part dans Amadeus pour un total de 440 millions d’euros. Mais cela ne suffira pas. Entre 600 et 800 millions pourraient être nécessaires, estiment plusieurs sources. Contactée, la direction d’Air France KLM n’a pas souhaité commenter.

L’État, actionnaire à 17,6%, s’inquiète pourtant de cette situation. "Emmanuel Macron disait qu’Air France était le prochain Areva" confie un proche de l’ancien ministre de l’Économie. Lors de l’arrivée du PDG Jean-Marc Janaillac l’été dernier, Bercy a insisté sur la nécessité d’améliorer la compétitivité de l’entreprise grâce à un accord social fort. "Mais acheter des avions coûte cher et la solidité du bilan compte" reconnaît un ancien cadre du ministère.

Date butoir de fin 2018

Le nouveau patron doit d’abord régler l’actuelle négociation sociale avec les pilotes sur la création d’une compagnie à bas coût dédiée aux vols long courrier, provisoirement baptisée Boom. Mais le renforcement du bilan est sur sa feuille de route. "Cela pourrait être dès cette année, ajoute un proche du groupe. Même si l’horizon de l’année prochaine semble plus réaliste". Mais pas plus tard.

À partir du 1er janvier 2019, une nouvelle norme comptable va en effet obliger Air France à intégrer à son bilan les loyers de leasing de ses avions. Une mauvaise nouvelle pour le groupe qui loue 40% de ses appareils contre seulement 20% pour la plupart de ses concurrents. Sa dette comptable augmentera ainsi de 7 milliards d’euros et deviendra insoutenable.

Autre inquiétude: la remontée des prix du pétrole. Depuis deux ans, leur baisse a donné de l’air à la compagnie qui est redevenue bénéficiaire après six années de pertes… "Si le pétrole remonte, la compagnie n’aura pas besoin d’une augmentation de capital mais d’être vendue, tranche un administrateur. Je suis très préoccupé".

Alliance renforcée avec Delta et les Chinois

Une augmentation de capital avait déjà été étudiée par l’ancien patron Alexandre de Juniac en 2015. Il s’était heurté au refus de l’État, soucieux de ne pas remettre au pot et de conserver son influence. Cette fois, elle pourrait être l’occasion de faire entrer des compagnies partenaires au capital. Une autre mission que le patron d’Air France devra mener. C’est ce que le gouvernement avait présenté aux candidats au poste de PDG au printemps 2016.

"Bercy nous avait dit qu’il faudrait renforcer les partenariats avec Delta et une compagnie asiatique" explique l’un des prétendants de l’époque à la succession d’Alexandre de Juniac. "L’idée serait que l’État français et ces deux partenaires détiennent le même niveau de participation minoritaire" ajoute un banquier bon connaisseur du dossier. Comme ce que l’État a fait chez PSA avec la famille Peugeot et le constructeur chinois Dongfeng.

Une alliance avec Delta semble évidente alors qu’Air France a déjà créé une co-entreprise florissante avec la compagnie américaine. Cette joint-venture réalise 13 milliards de dollars de chiffre d’affaires sur les vols transatlantiques, soit la moitié de celui d’Air France-KLM. En Chine, le groupe est allié à deux grandes compagnies publiques, China Eastern et China Southern, avec lesquelles il réalise 900 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Séduisant, le schéma d'une entrée dans le capital d'un de ces partenaires n’est pas évident. "Delta n’a pas forcément intérêt à entrer au capital d’Air France car le partenariat fonctionne bien, note un administrateur de l’entreprise. Et les compagnies chinoises se concentrent sur leur marché domestique…".

Matthieu Pechberty, avec Mathieu Sévin