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Transports

L’Etat repousse les avances d’Accor

Le gouvernement a affiché sa priorité à trouver une équipe dirigeante pour Air France. Avant d’envisager tout nouveau projet industriel. La compagnie n’est pas non plus convaincue par le projet de l’hôtelier.

Ce n’est pas gagné pour Accor. Le groupe hôtelier a dévoilé lundi ses intentions d’entrer chez Air France KLM, en lieu et place de l’Etat français qui détient 14,3% de son capital. L’idée est de rapprocher les deux groupes pour créer un « champion européen du voyage »… Concrètement, Accor souhaite racheter la part de l’Etat, qui ne vaut que 450 millions d’euros, et avoir la main sur la gouvernance de la compagnie. Son PDG, Sébastien Bazin, est prêt à en devenir président ou du moins avoir la main sur la direction de la compagnie. « L’un ne va pas sans l’autre, confie un proche de l’hôtelier. Si l’Etat reste au capital ou si personne ne prend en main le management, cela ne changera rien aux problèmes d’Air France ».

Une ambition qui a été rapidement freinée par le gouvernement. Ce matin, la ministre des Transports, Elisabeth Borne, a affirmé sur LCI que la « la priorité est un nouveau PDG qui pourra définir la stratégie d'entreprise et c'est à l'aune de cette stratégie qu'on pourra apprécier le projet industriel ». Une manière de repousser gentiment mais sûrement les avances d’Accor qui souhaite profiter de la vacance du pouvoir à la tête d’Air France KLM. Même son de cloche à Bercy où un proche de Bruno Le Maire assure à BFM Business qu’il fait « avant tout trouver une nouvelle équipe dirigeante et la stabiliser ». Et Elisabeth Borne d’ajouter que « l’objectif était d’avoir un dirigeant à la rentrée ».

Le gouvernement veut donc prendre son temps là où Accor assurait qu’il fallait que l’Etat réponde rapidement à son offre. « On ne va pas attendre des mois, s’agace une source proche du dossier. Si l’Etat ne se décide pas, on refermera le dossier ». L’hôtelier avait déjà discuté de ce sujet depuis cinq ans sous les directions d’Alexandre de Juniac et Jean-Marc Janaillac.

Perplexité chez Air France

Du côté de la direction d’Air France, tout le monde semble souhaiter que l’Etat ne soit plus actionnaire car sa présence envenime les relations avec le personnel, notamment les pilotes. C’est d’ailleurs ce qu’avait dit l’ancien PDG Jean-Marc Janaillac dans un entretien à L’Obs. Mais en dehors de cela, difficile de trouver un alignement entre les deux groupes. « Il y a une grande perplexité sur l’initiative d’Accor, lâche un proche de la compagnie. Air France n’a pas besoin d’un actionnaire de référence, et encore moins d’un hôtelier ! ».

Certains craignent qu’Accor ne veuille qu’absorber les données précieuses de ses passagers pour leur vendre des nuits d’hôtel partout dans le monde. La compagnie serait favorable à nouer un partenariat commercial, ajoute un cadre du groupe. Mais pas besoin d’avoir 14% du capital pour cela… ». Un scénario déjà discuté avec les deux précédents PDG, Alexandre de Juniac et Jean-Marc Janaillac, mais qui n’a jamais avancé. La démission de Jean-Marc Janaillac et la chute du cours d’Air France a réveillé les ambitions d’Accor. « Nous essayons péniblement de créer un groupe aérien mondial en nouant des alliances, ce n’est pas pareil d’être adossé à un hôtelier » râle un proche de la compagnie qui s’interroge également sur les réactions de ses actionnaires KLM, Delta Airlines et China Eastern.

Matthieu Pechberty