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Amazon: près d'un milliard de chiffre d'affaires en France

"Les Intaxables", parodie du dessin animé "Les Indestructibles" ("The Incredibles")

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Le e-commerçant a indiqué au parlement britannique avoir réalisé 889 millions d'euros de chiffre d'affaires dans l'Hexagone en 2011, bien plus que le chiffre effectivement déclaré (110 millions).

Le 12 novembre, la commission des comptes publics (Comittee of public accounts) du parlement britannique a passé sur le grill Amazon, Google et Starbucks pour les interroger sur leurs stratégies d'optimisation fiscale. Amazon avait envoyé son directeur des politiques publiques, Andrew Cecil. Jugeant ses réponses affligeantes (il ne savait même pas à qui appartenaient les filiales européennes...), la commission lui a demandé de fournir des précisions. Il s'est exécuté, et a fourni deux notes écrites, que le parlement a partiellement publiées, bien qu'Amazon ait demandé qu'elles restent confidentielles...

Dans une des notes, Amazon dévoile le chiffre d'affaires effectivement réalisé en France en 2011: 889 millions d'euros. C'est un peu moins que l'estimation faite par Euromonitor (1,3 milliard d'euros). Mais c'est bien plus que le chiffre d'affaires effectivement déclaré: seulement 110 millions d'euros.

Si l'on applique à ces 889 millions d'euros la marge avant impôt que réalise l'entreprise dans le monde (2% à 5% ces dernières années), alors elle réaliserait effectivement dans l'Hexagone un bénéfice avant impôt de 18 à 45 millions d'euros, et devrait donc payer 6 à 15 millions d'euros d'impôts sur les bénéfices (au lieu des 3,3 millions effectivement payés).

Rappelons que les ventes d'Amazon dans toute l'Europe sont facturées depuis le Luxembourg, et donc que les filiales locales déclarent un chiffre d'affaires ridicule, et paient des impôts qui le sont encore plus.

Au passage, Amazon explique comment est calculé le chiffre d'affaires officiellement déclaré par chaque filiale: il s'agit d'"une marge sur les coûts opérationnels engendrés par les services fournis aux autres sociétés du groupe: logistique, service client, comptabilité, fiscalité, ressources humaines, assistance marketing..." Selon Amazon, chaque filiale "reçoit une compensation pour ces services, et n'est donc pas une succursale".

Une faible rentabilité?

Dans la note, Amazon révèle aussi le chiffre d'affaires réel en Grande-Bretagne: 3,35 milliards de livres, soit bien plus que les 207 millions de livres déclarés. Mais la note prétend que l'activité britannique n'est guère rentable. En effet, 80% des revenus sont malheureusement absorbés par un "coût des ventes" non détaillé, 12,4% par des "dépenses opérationnelles" guère plus explicites, et 4,5% par les royalties, ce que ne laisse donc qu'une miniscule marge avant impôts de 2%. Bref, l'américain laisse entendre que cela ne changerait pas grand chose s'il déclarait son chiffre d'affaires en Grande-Bretagne.

Maigre consolation: l'essentiel des revenus (87%) provient de la vente de biens matériels sur le site amazon.co.uk, sur lesquels l'américain précise payer au fisc britannique une TVA de 14,3% (soit 416 millions de livres). Toujours ça de gagné...

Dans l'autre note, Amazon explique le montage mis en place pour ne quasiment pas payer d'impôts en Europe. En particulier, ses filiales payent des royalties sur la technologie et les brevets à une filiale luxembourgeoise, baptisée Amazon Europe Holding Technologies SCS. Par exemple, en 2011, les filiales britanniques ont ainsi payé 151 millions de livres de royalties, soit 4,5% des ventes. Les comptes d'Amazon Europe Holding Technologies SCS (disponibles ci-contre) font état d'un bénéfice net de 302 millions d'euros en 2011, mais d'"aucun impôt sur les bénéfices", déplore la Commission.

La note précise qu'Amazon Europe Holding Technologies SCS "est détenue par des filiales américaines d'Amazon"... oubliant opportunément de rappeler que, jusqu'en 2009, elle était détenue à 97% par une filiale immmatriculée à Gibraltar et baptisée ACI Holdings Ltd. Justification avancée: "la technologie et les brevets sont principalement devéloppés aux Etats-Unis".

Jamal Henni