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Andrew Niccol a-t-il plagié le scénario de son film Time out?

Edwin avait eu l'idée du scénario à la mort de son père

Edwin avait eu l'idée du scénario à la mort de son père - Fox

Un comédien d'origine suisse estimait que ce film d'anticipation était un plagiat de son propre scénario. Mais il a été débouté par la justice.

Mardi 30 janvier, France 4 diffuse Time out, un film d’anticipation au budget de 40 millions de dollars écrit et réalisé par Andrew Niccol et interprété par Justin Timberlake. Lorsque ce film est sorti en salles à l’automne 2011, un des spectateurs voit rouge. Edwin, comédien d’origine suisse installé en France, trouve que le film ressemble furieusement à un scénario baptisé Kronos dont il a écrit plusieurs versions entre 2004 et 2006.

Comme dans son scénario, le film décrit un monde où chacun connait le temps qu’il lui reste à vivre, temps qui est affiché sur un compteur sur son bras. Toutefois, chacun peut gagner du temps en travaillant, ou bien en recevant du temps d’un tiers en lui serrant la main. Autrement dit, le temps est devenu la monnaie d’échange en lieu et place de l’argent. Le film reprend même certaines scènes figurant dans son scénario, comme celle où le héros gagne du temps en jouant aux cartes.

Edwin est d’autant plus furieux qu’il a envoyé son scénario à un producteur français, Philippe Rousselet, qui connaît Andrew Niccol pour avoir produit un de ses films précédents, Lord of war. Interrogée lors de l’enquête, l’assistante de Philippe Rousselet confirmera d’ailleurs avoir remis en main propre un scénario d’Edwin à Andrew Niccol en 2004, sans toutefois se souvenir ni du contenu ni du titre de ce scénario.

7,95 millions d'euros de dommages

Furieux, Edwin décide donc de lancer une offensive judiciaire. Au pénal, il porte plainte contre Andrew Niccol et Philippe Rousselet pour "subornation de témoin". Au civil, il attaque Andrew Niccol, les producteurs du film (New Regency et Strike), et son distributeur (20th Century Fox), pour "contrefaçon, concurrence déloyale et parasitisme", réclamant 7,95 millions d’euros. Il affirme que Andrew Niccol a "lu et massivement utilisé" son scénario.

Pour se défendre, Andrew Niccol argue qu’il a commencé à travailler sur son scénario avant Edwin. Il a notamment déposé dès 2002 à la Writers Guild of America un premier jet baptisé Time killers. Il fournit aussi une expertise informatique de son ordinateur qui montre qu’un fichier baptisé Time killers traitment existait en août 2003.

Andrew Niccol argue aussi que le thème du temps devenu monnaie d’échange n’est pas nouveau, et a déjà été abordé dans plusieurs œuvres: dans un épisode de la bande dessinée Mandrake en 1968, dans une nouvelle de Lee Falk parue en 1975, et enfin dans le moyen métrage The price of life réalisé par Stephen Tolkin en 1987 puis diffusé sur la chaîne américaine Showtime. "Ce concept ne revêt en soi aucune originalité, et ne peut être protégeable", affirme le réalisateur de Bienvenue à Gattaca, et conclut: "les œuvres n’ont rien de similaire, à part l’idée commune".

Points communs et différences

Finalement, l’offensive judiciaire d'Edwin fait long feu. La plainte pénale est classée sans suite. La demande de dommages est aussi rejetée, d’abord par le tribunal de grande instance de Paris le 16 janvier 2014, puis par la cour d’appel le 5 juin 2015. En première instance, les juges estiment:

"Il n’est pas possible d’écarter l’hypothèse qu’Andrew Niccol ait eu, par l’intermédiaire de Philippe Rousselet, connaissance du scénario de 2004 d’Edwin […] Il existe des points communs entre scénarii et film tenant à leur thème et à certaines situations.
Néanmoins, l’intrigue et les diverses péripéties des oeuvres sont totalement différentes, même si certaines situations se retrouvent dans les deux. Les personnages sont également très différents.
L’idée que le temps est de l’argent a été développée et exploitée dans plusieurs oeuvres antérieures aux scénarii d’Edwin et Andrew Niccol. Aussi, Edwin ne peut pas revendiquer d’antériorité ou d’exclusivité sur ces idées. Malgré les quelques ressemblances pouvant exister, le film Time out est une œuvre distincte et possède ses propres caractéristiques".

Finalement, Edwin a été condamné à rembourser 20.000 euros de frais de procédure en première instance, plus 50.000 euros en appel. Apparemment, Edwin a renoncé à se pourvoir en cassation.

Contacté, Edwin n'a pas souhaité faire de commentaires, tandis que Philippe Rousselet et Eleonore Gaspar (avocate d'Andrew Niccol et des producteurs), n'ont pas répondu.

Jamal Henni