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Areva-Le Creusot: l'ASN a constaté de "nombreux écarts" dès 2005

Les problèmes rencontrés par l'usine de gros composants nucléaires du Creusot ont été soulignés dès 2005 par l'ASN (image d'illustration).

Les problèmes rencontrés par l'usine de gros composants nucléaires du Creusot ont été soulignés dès 2005 par l'ASN (image d'illustration). - Jean-Philippe Ksiazek - AFP

Selon des documents publiés vendredi 31 mars par France Inter et France Info, le gendarme du nucléaire a fait part dès 2005, auprès d'EDF et Areva, de ses inquiétudes quant à la qualité des pièces fabriquées dans l'usine Creusot Forge.

L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pointe depuis 2005 les difficultés rencontrées par l'usine de gros composants nucléaires située au Creusot (Saône-et-Loire). Une installation qui a depuis été rachetée par Areva. Le groupe nucléaire français y a même fait fabriquer la cuve du réacteur EPR de Flamanville, dont la mise en service est prévue à l'horizon 2018.

Selon France Inter et France Info, dans une lettre adressée à EDF et datée du 16 décembre 2005, le gendarme du nucléaire mettait en garde l'électricien français à propos de la fiabilité du site de production Creusot Forge, expliquant avoir constaté "de nombreux écarts" au cours de ses inspections.

Des problèmes également évoqués dans un courrier, daté du 16 mai 2006, faisant suite à une inspection du site le mois précédent. Dans cette missive, l'Autorité de sûreté nucléaire indique avoir établi 16 constats (lors de son contrôle) et rappelle qu'en 2005 les fabrications des équipements sous pression nucléaire "ont été émaillés de nombreux incidents".

La forge a rencontré "de grandes difficultés" 

"La période du début des années 2000 est une période où la forge rencontre de grandes difficultés". Elle était alors "sous surveillance renforcée de l'ASN", précise à l'AFP Julien Collet, le directeur général adjoint du gendarme du nucléaire. 

"Dès le rachat de Sfarsteel en 2006, Areva a mis en oeuvre des actions pour amener l'usine aux standards du groupe Areva et de l'industrie nucléaire" indique le spécialiste de l'atome dans une réaction écrite communiquée à l'AFP. Le groupe nucléaire français précise y avoir investi 200 millions d'euros depuis cette opération et doublé les effectifs, à 250 personnes.

C'est d'ailleurs dans son usine qu'Areva a choisi de fabriquer le couvercle et le fond de la cuve de l'EPR de Flamanville -encore en cours de construction- où une anomalie dans la composition de l'acier a été décelée. Mais la découverte d'une concentration en carbone excessive susceptible de fragiliser la cuve du futur EPR a justifié le lancement d'un audit qualité de l'usine en avril 2015. Une procédure qui a mis au jour des irrégularités dans les dossiers de suivi de fabrication de pièces forgées, certaines d'entre elles s'apparentant à des falsifications, aux yeux de l'ASN.

La traçabilité a été renforcée

Depuis, Areva dit avoir "renforcé la traçabilité des fabrications en cours et de l'enregistrement des données" et être en train de déployer sur le site "un plan d'amélioration de la qualité" qui intègre les demandes d'informations complémentaires et les actions correctives demandées par l'ASN.

De son côté, le groupe EDF affirme qu'il s'est "assuré que son fournisseur mette bien en oeuvre les plans d'actions décidés" à la suite des nombreuses inspections du gendarme du nucléaire. Sur la période 2005-2006, l'électricien dit même avoir mené "des actions vigoureuses" au Creusot, notamment "des audits du système qualité du fournisseur" et détaché des inspecteurs d'EDF dédiés.

"La construction de l'EPR n'aurait jamais dû être lancée" 

L'énergéticien français souligne par ailleurs que la calotte et le fond de la cuve de l'EPR "ont été fabriqués selon un référentiel de qualification très exigeant, basé sur les codes de construction nucléaires applicables à ce moment-là". L'ASN se prononcera sur la conformité de la cuve cet été.

"Au vu des informations qui étaient connues par EDF, Areva et l'ASN dès 2005, le projet de construction de l'EPR de Flamanville n'aurait jamais dû être lancé en 2007", a réagi Greenpeace dans un communiqué, tandis que l'Observatoire du nucléaire juge l'ASN "gravement fautive". 

A.M. avec AFP