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Arnaud Lagardère prêt à tout pour éviter un démantèlement de son groupe

L'héritier du groupe d'édition et de distribution estime que le fonds activiste cherche avant toute chose à donner "de mauvaises réponses à de bonnes questions".

L'héritier du groupe d'édition et de distribution estime que le fonds activiste cherche avant toute chose à donner "de mauvaises réponses à de bonnes questions". - AFP

Dans un entretien accordé aux "Echos", l'associé-commandité et gérant de Lagardère SCA, Arnaud Lagardère, est revenu sur sa bataille remportée le 5 mai dernier face à Amber.

"J'ai l'habitude, malheureusement. Ce n'est pas la première fois (…) Mais il est vrai que nous n'avons jamais eu dans le groupe à faire face à un tsunami aussi important de fake news". La coupe est pleine pour Arnaud Lagardère... Huit jours se sont écoulés depuis que le gérant de Lagardère SCA a réussi le tour de force de conserver son statut de commandite et à éviter la révocation de ses administrateurs.

Le 5 mai, les 15 résolutions déposées par Amber - qui revendique 18% du capital et 14% des droits de vote – ont en effet été rejetées par au moins 55% des suffrages lors de l'assemblée générale du groupe. Seul le mandat de Martine Chêne, ancienne représentante syndicale et élue au conseil de surveillance depuis 12 ans, n'a pas été renouvelé.

Une assemblée "irréprochable"?

Dans un entretien accordé aux Echos publié mercredi, l'héritier du groupe d'édition et de distribution estime que le fonds activiste cherche avant toute chose à donner "de mauvaises réponses à de bonnes questions" et souligne que l'assemblée générale qui s'est tenue début mai "s'est déroulée de manière irréprochable, avec un taux de participation autour de 80%". Pour Arnaud Lagardère, Amber n'aurait, in fine, pas d'autre ambition que celle "de gagner de l'argent, le plus vite possible, en démantelant le groupe".

"Ce groupe a été créé par mon père. Il porte mon nom. C'est ma vie, c'est mon combat et rien ne m'arrêtera pour sauvegarder l'intégrité de l'entreprise et de ses deux branches", rappelle-t-il dans le quotidien.

Voilà des mois qu'Amber dénonce les choix stratégiques opérés par Arnaud Lagardère ainsi que sa manière de gérer le groupe. Le fonds remet également en question le statut atypique du groupe en commandite par actions (SCA) qui permet à l'associé-commandité de se maintenir au pouvoir avec seulement 7,3% des parts. Une remise en cause qui a le don d'agacer Arnaud Lagardère pour qui la question de la commandite ne constituerait, ni plus ni moins, qu'un prétexte pour Amber.

Il "s'habille en moralisateur de la finance mais c'est de la communication pure et simple. Je n'ai présenté aucun projet à personne pour sortir de la commandite", assure-t-il. "Au lieu d'avoir de fausses bonnes idées sur la commandite, il serait mieux de regarder ce que la commandite nous a permis de faire. L'idée d'Amber en cherchant à reverser cette commandite, c'était de prendre le contrôle du groupe pour le découper en empochant un maximum de la revente des actifs", poursuit-il.

"Je ne me suis jamais interdit de réfléchir sur la commandite. Mais ce n'est pas Amber qui va me précipiter à faire quelque chose que je ne veux pas faire. Je ne modifierai pas la gouvernance de ma société sous pression", indique-t-il néanmoins. 

"Aucune contrepartie"

Pour remporter son bras de fer face à Amber, Arnaud Lagardère a notamment pu compter sur son ami de longue date Nicolas Sarkozy, mais aussi sur les voix d'investisseurs institutionnels français comme la Caisse des Dépôts. A ces soutiens, sont venus s'ajouter ceux de poids-lourds fraîchement débarqués dans son capital. A commencer par le financier Marc Ladreit de Lacharrière et Vincent Bolloré, l'homme fort de Vivendi. Lesquels n'apprécient que modérément l'idée de laisser un fonds étranger prendre le contrôle d'une entreprise qui demeure stratégique. "Ils sont arrivés en soutien, sans que je le leur demande. Il n'y a aucun accord, aucune contrepartie", assure-t-il.

Vincent Bolloré est, du reste, connu pour être entré au capital de sociétés afin d'en prendre le contrôle de manière hostile. Une idée qu'Arnaud Lagardère a rapidement tenu à balayer.

"Nos deux familles se soutiennent mutuellement depuis au moins trois décennies, c'était le cas du temps de mon père, cela se poursuit et il n'y a aucune raison que cela s'arrête. C'est un soutien amical", rétorque-t-il dans le quotidien. "Vivendi a indiqué officiellement qu'il s'agissait d'un placement financier et qu'il n'envisageait pas de prendre le contrôle. Je lui fais confiance".

Question d'opportunités

Concernant les ambitions du groupe, Arnaud Lagardère se dit prêt, si l'opportunité se présentait, à racheter la maison d'édition américaine Simon & Schuster et confiant dans sa capacité à demeurer un acteur phare dans le domaine du travel retail, balayant, au passage, l'idée d'opérer le moindre plan social dans cette branche en France.

Côté médias, le gérant de Lagardère SCA - qui détient Paris Match, le JDD et Europe 1 - concède que cette activité ne se situe plus "au cœur" du business du groupe, mais qu'elle a vocation à y rester. Pour le moment du moins… Idem pour les salles de spectacles (Bataclan, Folies Bergères) qu'il détient.

Pas de villa à Miami

Sur le volet de sa dette personnelle - qui atteint aujourd'hui 166 millions d'euros - Arnaud Lagardère envisagerait de la renégocier. De quoi commencer à agacer son banquier depuis près de quinze ans (le Crédit Agricole), notamment son patron Philippe Brassac.

"Je suis droit dans mes bottes et plutôt assez fier de ce que j'ai fait", explique-t-il dans Les Echos. "Quand on regarde dans le rétroviseur en 2003, Jean-Luc (son père, NDLR) disparaît et beaucoup d'amis m'ont alors proposé de racheter le groupe. Si je l'avais fait, je serais probablement aujourd'hui dans cette fameuse villa de Miami que je n'ai jamais possédée et dont tout le monde dit que j'y passe ma vie, ce qui est totalement faux".

"L'allégation selon laquelle je gère le groupe de façon à préserver mon intérêt personnel est complètement fausse et très blessante", lance-t-il enfin bien qu'il concède que sa dette personnelle puisse "peut-être" s'avérer supérieure à la valeur de sa participation dans Lagardère.

Julie Cohen-Heurton