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Autolib': Bolloré réclame 40 millions d'euros par an à Paris et aux collectivités

Le groupe Bolloré estime que la concession présente "un défaut d’intérêt économique", lui ouvrant le droit de demander des compensations financières aux communes.

Le groupe Bolloré estime que la concession présente "un défaut d’intérêt économique", lui ouvrant le droit de demander des compensations financières aux communes. - Patrick Kovarik / AFP

Le déficit cumulé du service d'autopartage d'ici à 2023 a été revu à la hausse par le groupe Bolloré, passant de 179 millions à 293,6 millions d'euros. Le contrat qui lie l'industriel à 98 communes franciliennes l'oblige à prendre en charge seulement 60 millions d'euros.

Après la déconvenue du Vélib', un autre dossier remonte la pile sur le bureau de la maire de Paris, Anne Hidalgo: le déficit abyssal d'Autolib'. Dans une lettre signée du 25 mai adressée à la Ville et au syndicat mixte Autolib' Vélib' Métropole (SAVM), le groupe Bolloré réclame aux 98 communes sur lesquelles est implanté son service d'autopartage la somme de 40 millions d’euros par an jusqu’au terme du contrat de délégation de service public en 2023, dévoile Le Monde ce jeudi. 

Selon les informations du quotidien, le dernier plan d’affaires du groupe établit que le déficit cumulé en 2023 atteindrait 293,6 millions d’euros, dont 240 millions d'euros à honorer par les collectivités d'ici cinq ans. Car, comme l'avait révélé Le Canard enchaîné en janvier 2017, le contrat négocié en 2011 entre le maire de Paris, Bertrand Delanoë, et l'industriel breton impose à ce dernier de ne prendre en charge les pertes que jusqu’à 60 millions d’euros.

Le reste doit être pris en charge par les communes, au prorata du nombre de stations qu'elles détiennent. Paris en compte la moitié, Issy-les-Moulineaux, Nanterre, Rueil-Malmaison dans les Hauts-de-Seine, sont également très équipées en bornes Autolib'.

Des chiffres gonflés par l'industriel?

Le groupe Bolloré avait déjà alerté les collectivités du dérapage du déficit. En 2016, il chiffrait les pertes cumulées à 179 millions d'euros pour 2023. "À l’époque, il demande aux collectivités de prendre en charge une partie de la dette déjà accumulée. Plutôt que de valider ces chiffres, ce qui l’aurait obligé à provisionner des dépenses, le SAVM accuse Bolloré de gonfler le déficit", retrace Le Monde.

Pour en avoir le cœur net, le syndicat mixte a mandé le cabinet Ernst & Young en janvier 2017 pour réaliser un audit afin de vérifier ces chiffres prévisionnels. Remis au printemps 2017, il n’a pas été rendu public.

Le conflit tranché par la justice?

Pour résoudre ce conflit, un "comité de conciliation" a été constitué. Dans un rapport confidentiel remis au début de l'année, il propose, en s'appuyant sur l'audit d'Ernest & Young, que les communes versent près de 90 millions d'euros à Bolloré, ce que toutes les parties vont refuser, explique Le Monde

La ville de Paris va jusqu'à proposer le versement de 40 millions qu'elle assumera seule, la direction du groupe Bolloré rejette cette offre et réclame près de 150 millions d’euros.

Dans sa lettre du 25 mai, qui met un nouveau coup de pression aux collectivités, le gestionnaire d'Autolib' estime que la concession présente "un défaut d’intérêt économique", lui ouvrant le droit de demander des compensations financières aux communes. Si elles refusent, le contrat sera résilié. 

Si le désaccord persiste entre les parties, la solution pourrait être de laisser la justice trancher en saisissant le tribunal d'administration. Anne Hidalgo "ne semble pas vouloir opter pour ce scénario", écrit le quotidien, pour Bolloré, l'hypothèse "n’est pas écartée".

J.-C.C.