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Automobile : le crépuscule des méga-fusions?

Les constructeurs semblent désormais plus tentés par des alliances ponctuelles autour de projets précis, que de très grandes fusions risquées à réaliser.

Les constructeurs semblent désormais plus tentés par des alliances ponctuelles autour de projets précis, que de très grandes fusions risquées à réaliser. - FADEL SENNA / AFP

Même si la consolidation du secteur automobile est inévitable, le mariage raté Fiat-Chrysler/Renault pose désormais la question de l'intérêt et de la faisabilité des grands mariages capitalistiques.

Le monde automobile a-t-il véritablement besoin de nouveaux supergéants? Avec un solide trio de tête (Renault-Nissan-Mitsubishi, Volkswagen et Toyota), capables de fabriquer plus de 10 millions de voitures par an, reste-t-il de la place pour de nouvelles alliances géantes créatrices de valeur, au vu des défis actuels?

Hormis le sujet politique, qui semble être la principale cause de l'échec du projet de mariage Fiat Chrysler-Renault, se pose celui de la création de valeur à travers les synergies. Le potentiel théorique semblait immense (5 milliards d'euros par an selon le projet, et un de plus pour Nissan), mais difficile à appréhender de manière concrète, en matière de construction et de ventilation des gammes et des modèles.

Risque de rupture

Fusionner des chaînes de montage, mutualiser la fabrication des pièces et des véhicules crée mathématiquement de la valeur par les synergies, mais la mise en oeuvre de cet immense chantier ne détruirait-elle pas plus de valeur qu'elle n'en créerait, une fois effective?

« Ces synergies étaient illusoires et sans doute sur-évaluées », estime une source en interne chez Renault. « Nous avons fait énormément d'efforts ces dernières années pour créer un appareil de production qui tourne à plein régime, avec des cadences de travail très soutenues. En face, on a des usines Fiat qui tournent pour certaines à 50% seulement. Casser un appareil efficace pour y intégrer un autre qui fonctionne moins bien est un risque considérable ».

Taille critique toujours indispensable ?

Quand on regarde le paysage automobile mondial, outre ces 3 supergéants et leur force de frappe inégalable, d'autres constructeurs plus petits peuvent être tentés par une alliance. PSA se dit toujours ouvert a des opérations créatrices de valeur. Fiat-Chrysler cherche toujours un allié, et Ford pourrait être tenté par une initiative du même genre (on lui prête, depuis des mois, l'intention de préparer une super-fusion avec Volkswagen et même Suzuki...)

Mais la recherche de la taille critique est peut-être désormais une bataille du passé. Les gigantesques transformations de l'automobile actuelle ont bouleversé la chaîne de valeur et le mode de calcul de la rentabilité, avec l'intégration de plus en plus abondante de l'électronique active et l'électrification. Le modèle économique classique, qui voulait que le pouvoir revienne à celui qui produit le plus de voitures, pour moduler le plus efficacement ses coûts et ses prix, semble évoluer vers une bataille de la plus-value où la taille importe moins.

Nouveaux types d'alliances

De nombreux constructeurs généralistes bien plus petits, comme Mazda, Honda, Suzuki (champion du monde 2018 de la rentabilité) ou d'autres, n'ont jamais eu besoin de se lancer dans une course à la taille critique pour créer plus de valeur, ou être plus rentables. 

Mais la réalité est là : face aux défis du futur, les constructeurs doivent mobiliser des dizaines de milliards d'euros de recherche et de développement. Les mettre en commun devient nécessaire. Mais ces coopérations prennent en ce moment des formes différentes, sans besoin de fusionner les capitaux et l'ensemble de l'outil industriel.

Unions multiples

La dernière en date concerne les technologies de moteurs électriques. BMW et Jaguar vont les développer en commun pour créer une chaîne de traction nouvelle génération, plus économe en énergie, et moins gourmande en composants issus des terres rares. Avant cela, BMW a annoncé un projet de plate-forme électrifiée en open source, à laquelle collaborent désormais Fiat-Chrysler et Intel.

L'Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi est devenu le partenaire de Google pour développer l'autonomie via un système de taxis sans chauffeur. Autonomie et électronique de bord qui sont aussi l'objet d'une importante coopération entre Ford et Volkswagen, de même que chez General Motors ou Honda.

Une clé : le dynamisme

Ces unions ponctuelles ont l'avantage d'être bien plus dynamiques, autour de projets et de modèles économiques précis, qui mobilisent des budgets communs, et éventuellement des échanges réduits de participation au capital de chacun. Mais sans le risque d'exécution d'une méga-fusion entre constructeurs mondialisés, dont les intérêts et les priorités économiques peuvent diverger par ailleurs, au sein d'un marché aux évolutions de plus en plus incertaines.

Un mode de travail sans doute plus adapté à l'évolution actuelle des tendances de l'automobile, ou le besoin en capitaux est énorme, mais où les projets ont besoin de dynamisme, d'une mise en oeuvre et d'une exécution de plus en plus rapide.