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Autoroutes : le grand gaspillage

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Le gouvernement et les sociétés de gestion des autoroutes se sont mis d’accord jusqu’à la fin des années 2020. En échange de l’allongement de la durée de la concession, les sociétés ont pris l’engagement de faire 3,7 milliards d’euros d’investissements.

La phase finale est maintenant l’accord de Bruxelles qui ne peut que s’émouvoir du report de la date de fin de concession. En effet, ce report conduit à éloigner la date à laquelle les sociétés seront remises en concurrence. En fait le problème que pose cet accord est l’absence de véritable cohérence dans la politique des transports. Le choix n’est pas fait entre le rail et la route, entre la gestion publique et la gestion privée.

On a beaucoup critiqué la privatisation des autoroutes. Que nous apprend l'accord que viennent de passer les sociétés avec l

Trois sociétés privées - deux françaises et une espagnole - sont désormais les principaux gestionnaires du réseau autoroutier. Cela ne se passe pas très bien puisque l’Etat a augmenté la redevance payée par ces sociétés de 50% soit 290 millions € au printemps dernier et elles ont porté l’affaire en justice. En outre, la Cour des comptes a sorti un rapport très critique en juillet notamment sur le retard du programme d’investissements. L’accord réalisé en fin de semaine dernière permet de résoudre d’une certaine façon cette crise en donnant plus de temps aux sociétés mais en leur demandant de faire un effort significatif en matière d’investissements : 3,7 milliards € dont 1 milliard pour « verdir » les autoroutes. En fait le problème est que quand on privatise un réseau, il faut définir les règles de façon claire et il est toujours dommageable qu’elles soient sans cesse renégociées.

Mais cela ne remet-il pas en cause le principe de la privatisation ?

Les autoroutes ont ceci de particulier comme les installations électriques ou les voies de chemin de fer qu’on ne peut pas les multiplier. La privatisation a un sens quand il y a concurrence. On voit bien qu’il y a concurrence entre des magasins mais on peut contester le caractère concurrentiel des autoroutes. Pourtant, il y a concurrence sous deux formes : on peut fixer des périodes assez courtes de concession pour avoir une remise en concurrence régulière des concessionnaires et les inciter ainsi à respecter leurs engagements ; le transport routier pourrait être systématiquement mis en concurrence par exemple avec le transport ferroviaire. Mais en France, on a du mal à formuler une politique des transports cohérente et à adopter la concurrence dans toutes ses dimensions. On a un réseau de routes nationales qu’on a confié aux départements ; des autoroutes qu’on n’utilise pas au maximum de leur potentialité en empêchant des compagnies d’autocar de se développer ; on a un réseau de chemins de fer dont le développement commence à inquiéter sous sa forme TGV par ses coûts et dont la sécurité commence à inquiéter sous sa forme transports de proximité.

Que va-t-il se passer ?

Bruxelles a en partie la main. La Commission attend de nous en fait une logique : on a séparé la SNCF de RFF puis on parle de les fusionner. On entretient un bras de fer avec les sociétés d’autoroutes sans stabiliser les règles. Quant au réseau routier des anciennes nationales, qui est géré par les départements, plusieurs élus locaux commencent à dire que les moyens manquent et ont engagé une forme de chantage vis-à-vis de l’Etat. Privatiser les transports est pour moi la bonne solution à condition que l’on en tire toutes les conséquences : laissez faire, laissez passer.

Jean-Marc Daniel