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Quel avenir pour le réseau de Numericable?

Une partie du réseau appartient à Orange, tandis qu'une autre doit revenir aux collectivités

Une partie du réseau appartient à Orange, tandis qu'une autre doit revenir aux collectivités - -

Dans le prospectus déposé auprès de l'AMF, le câblo-opérateur lève le voile sur le régime juridique de son réseau, et les défis à venir.

L'introduction en bourse de Numericable se rapproche. D'ici une semaine, les analystes financiers vont rendre leurs évaluations du câblo-opérateur, qui serviront à le valoriser.

Un des aspects étudiés de près par les marchés sera le réseau de Numericable, son régime juridique et son avenir. De nombreuses informations sur le sujet sont fournies dans l'épais prospectus déposé auprès de l'AMF.

L'héritage des P&T

Numericable y retrace insi l'histoire du câble en France. Les réseaux ont été construits en deux époques. Une première moitié (55% précisément), issu des réseaux 'Plan câble' construits par les P&T, date du début des années 80.

Dans ces réseaux, le câble coaxial, les fibres optiques... appartiennent à Numericable. Mais Orange (héritier de l'administration des P&T) a conservé la propriété du génie civil -en pratique, les fourreaux ou conduits sous-terrains où passent les câbles.

Numericable doit donc louer ces conduits à Orange. Des contrats de location ont été conclus entre 1999 et 2004 pour une durée de 20 ans. Ils expirent donc entre 2019 et 2024, et devront alors être renégociés.

En effet, les contrats "ne contiennent pas de clause de renouvellement automatique ou tacite", explique Numericable, qui ajoute: "Numericable ne peut garantir que ces contrats de locations seront renouvelés, ou qu’ils seront renouvelés à des conditions commercialement acceptables. Orange pourrait également louer son infrastructure à certains concurrents de Numericable, renforçant ainsi la pression concurrentielle".

Cette renégociation promet d'être ardue. En effet, les relations entre le câblo-opérateur et l'ex-France Télécom sont tendues, émaillées de multiples conflits, en particulier au sujet de leur cohabitation au sein de ces réseaux 'Plan Câble'.

Mais à qui appartient le réseau?

L'autre moitié des réseaux a été construit à partir de 1986 dans le cadre du 'Plan Nouvelle Donne'. Ce plan permettait aux collectivités locales de constuire elle-mêmes leurs réseaux, ou de les faire construire par des câblo-opérateurs privés, qui ont tous fini par être rachetés par Numericable.

Le statut juridique de ces réseaux est bien plus confus. En effet, les contrats entre Numericable et les collectivités sont nombreux (plus de 500) et très variés (leur durée va de 10 à 30 ans).

Dans certains cas (19% du réseau), le contrat prévoit qu'à son terme, la propriété du réseau "se verrait transférée à la collectivité locale, gratuitement ou moyennant paiement", indique Numericable.

Mais, dans la plupart des cas, "il a pu exister un certain degré d’incertitude quant à la propriété des réseaux", ajoute Numericable.

Numericable propose un deal

Pour y voir clair, le régulateur des télécoms, l'Arcep, s'est demandé si ces contrats relevaient ou non du régime juridique des délégations de service public (DSP). Car, dans ce cas-là, les textes sont clairs: à la fin du contrat, la propriété du réseau revient à la collectivité -on appelle cela le "bien de retour".

L'Arcep a rendu son verdict dans un rapport publié en 2007. "Dans ce rapport, l’Arcep a considéré que les contrats conclus avec les collectivités locales après 1990 peuvent être qualifiés de délégation de service public, et ainsi intégrer une notion de biens de retour", résume Numericable. En clair, cela signifie que le réseau devait revenir à la collectivité.

A la suite de ce rapport, le câblo-opérateur a proposé un deal aux collectivités: à l'issue du contrat, Numericable garde la propriété des câbles et des équipements, mais le génie civil revient à la collectivité, qui peut alors en faire profiter tous les opérateurs. Ce deal a été accepté par 20 collectivités.

Plainte à Bruxelles

Si ce deal a été approuvé par l'Arcep en 2010, Numericable avait auparavant élaboré un autre deal dont la légalité est contestée.

Dans cet autre deal, la collectivité cédait gracieusement la propriété du réseau à Numericable. Cet autre deal, bien que moins favorable à la collectivité, a néanmoins été accepté en 2003 et 2006 par 33 villes, représentant au total 200.000 prises.

Mais en 2009, Orange a porté plainte à Bruxelles pour contester ces cessions gratuites, estimant qu'il s'agissait d'une aide d'Etat illicite. En juillet 2013, la Commission européenne a conclu que "les éléments constitutifs d'une aide d'Etat sont réunis", et a ouvert une enquête approfondie sur le sujet. "Numericable conteste fermement l'existence d'une quelconque aide d'Etat", répond le prospectus.

Au cours de la procédure bruxelloise, le gouvernement français a exprimé sa position sur le sujet. "Les autorités françaises considèrent que les clauses relatives au transfert de la propriété des réseaux présentent un caractère illicite. Elles ont indiqué que des démarches ont été initiées pour éliminer ces clauses litigieuses", indique la décision de la Commission européenne.

Jamal Henni