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Transports

Avions de ligne cherchent pilotes, désespérément

Former un copilote ou un commandant de bord nécessite temps et argent. Cette exigence a poussé les compagnies aériennes, soucieuses de leur rentabilité, à fonctionner à flux tendu. Au point, qu'aujourd'hui, elles ne peuvent plus faire face à la croissance du trafic mondial.

Le secteur de l'aviation commerciale va avoir besoin de 255.000 pilotes supplémentaires dans les dix ans à venir, selon une étude effectuée par le spécialiste de la formation dans les domaines de l'aviation civile, CAE. Or la pénurie se fait déjà sentir. Les pilotes de Hop!, filiale d'Air France, achèvent ce mardi une grève de six jours. Le syndicat majoritaire SNPL veut ainsi tirer la sonnette d'alarme sur "un grave sous-effectif pilote", ce qui a des répercussions sur la santé du personnel, et a obligé la compagnie a affréter des vols auprès d'autres compagnies ou à en annuler.

Une flotte qui va doubler d'ici 20 ans

La forte croissance du trafic aérien dans le monde entraîne de facto une demande accrue de pilotes. Et le secteur aérien, qui n'a pas anticipé ce risque privilégiant une gestion serrée de ses ressources, fait face désormais à une pénurie de ce personnel ultra-qualifié. Pour "maintenir la croissance de l'industrie du transport aérien commercial et compenser les départs à la retraite", le rapport de la CAE souligne la nécessité de former 180.000 co-pilotes en vue d'occuper le poste de commandant de bord, "un nombre supérieur à tous ceux des décennies antérieures".

Face à la solidité du trafic de passagers qui va continuer d'augmenter au rythme de 4,5% par an, Boeing et Airbus tablent sur un doublement de la flotte d'avions dans le monde d'ici 20 ans, la demande la plus forte provenant d'Asie.

Les compagnies ont vu au plus juste

Le marché "est en train de se tendre fortement depuis 6 mois/un an", observe Philippe Crébassa, directeur adjoint de l'Enac, la plus grande école aéronautique européenne, installée à Toulouse.

Même si les prévisions des constructeurs tablaient depuis plusieurs années sur un "besoin massif" de pilotes "sur le long terme", il a été difficile pour les compagnies aériennes d'anticiper ce "retournement positif récent, soudain et assez brutal", souligne ce pilote d'avion privé interrogé par l'AFP.

Des livraisons d'avions retardées

Le secteur aérien suit mécaniquement l'évolution de la croissance économique et jusqu'ici, les compagnies aériennes "ont toujours cherché à embaucher le juste nombre sans prendre de risque", pour rester compétitives. Conséquence, "toutes les compagnies du monde" sont concernées soit par des sous-effectifs ou, comme la Chine, par une situation de pénurie de pilotes, constatent différents experts. A cause du manque de pilotes, certaines compagnies ont été contraintes de fermer, d'autres sont obligées de décaler des livraisons d'avions ou d'annuler des vols, selon ces experts.

"De plus en plus, les compagnies demandent aux constructeurs une solution d'approvisionnement en pilotes" dans le cadre des programmes de ventes, indique Philippe Crébassa dont l'école forme environ 450 pilotes de ligne par an, dont 90% d'étrangers.

Jusqu'à 10 ans pour former un commandant de bord

"La ressource pilotes est difficile à former. Cela nécessite du temps et de l'argent", et la rémunération de ce personnel extrêmement qualifié coûte cher, explique à l'AFP un pilote Air France ayant requis l'anonymat.

Il faut environ deux ans et demi pour former un co-pilote, puis en fonction des compagnies, entre cinq et dix ans pour faire de lui un commandant de bord. Pour piloter un avion spécifique, que ce soit un Airbus A380 ou un Boeing 737, des "qualifications de type" sont requises par les compagnies aériennes.

Avec environ 200 écoles de pilotage dans le monde dont une dizaine en France, la solution n'est pas de démultiplier les centres : "mieux vaut augmenter la capacité de formation", selon Philippe Crébassa.

Autre remède prudemment évoqué, l'automatisation des cockpits reste confrontée à "l'acceptation sociale, celle des clients et le coût dans les niveaux de fiabilité", rappelle Didier Brechemier, expert en transport aérien au cabinet de conseil Roland-Berger.

C.C. avec AFP