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Banksy, l'artiste qui travaille pour la gloire!

L'artiste britannique engagé, qui garde farouchement l'anonymat, n'a visiblement pas la rentabilité de son oeuvre comme motivation première.

L'artiste britannique engagé, qui garde farouchement l'anonymat, n'a visiblement pas la rentabilité de son oeuvre comme motivation première. - Michael Summers - Flickr - CC

Le très discret graffeur britannique a publié cette semaine une nouvelle vidéo. L'occasion de se pencher sur les affaires d'un artiste qui fait peu fructifier sa cote.

Banksy refait parler de lui. Le mystérieux graffeur britannique, connu pour ses œuvres au pochoir, a posté jeudi une vidéo des œuvres qu'il vient de réaliser dans la bande de Gaza. Un événement tant il délivre ses oeuvres-messages au compte-goutte. L'artiste, qui garde farouchement l'anonymat, tente d'attirer l'attention du monde sur la destruction du territoire provoqué par le conflit de l'été 2014

Une opération aux frais du graffeur, coutumier de ce type de happenings engagés. Mais pour pouvoir financer ces opérations, il lui faut bien gagner des sous. Nous avons essayé d'évaluer les sources de revenus de cet esthète du street art. Et il faudrait être de très mauvaise foi pour l'imaginer vénal.

Banksy dans la rue

A priori, qui dit art urbain dit gratuité. Sauf quand il s'agit de Banksy, et que des petits malins profitent de sa renommée. Certains murs décorés par le virtuose du pochoir ont été découpés et vendus plusieurs centaines de milliers de dollars. A New-York, où il a tenu résidence pendant un mois l'année dernière, créant une œuvre de street art par jour, des petits futés bloquaient l'accès à certaines de ses réalisations pour faire payer les passants désireux d'y jeter un œil.

Là-dessus, l'artiste ne touche rien, mais adresse à ces profiteurs sans vergogne un joli pied de nez. Toujours à New-York, il charge un vieil homme de vendre des originaux de ses pochoirs les plus célèbres, directement dans la rue. Mise à prix: 60 dollars pièce, pour des estampes cotées à 20.000 dollars sur le marché. L'homme ne vendra que pour 420 dollars de ces cartons illustrés des motifs récurrents de l'artiste (des rats taquins, un robot...). Trois acheteurs en tout et pour tout, dont l'un a marchandé les œuvres. L'artiste, contacté mais resté silencieux, en a-t-il récupéré une partie? Au vu de ce qui suit, on en doute. 

Banksy aux enchères

Au classement Artprice, il est le 349ème artiste le plus cher du marché en 2014, avec 4,1 millions d'euros de ventes, selon le spécialiste du marché de l'art. "Loin de ce que rapporte un Jeff Koons", reconnaît Caroline Pozzo di Borgo, co-fondatrice de Street Art Galerie, selon qui ce domaine reste un marché de niche. "Mais de tous les street-artists, le Britannique est le plus coté".

Est-ce que ça lui rapporte? Puisqu'il a choisi de n'être représenté par aucune galerie, et de gérer son business du début à la fin, on pourrait penser qu'il gagne à ne reverser aucune commission, à ne rémunérer aucun intermédiaire. Sauf que toutes ses œuvres vendues chez Sotheby's, Artcurial et autres marchands d'arts, sont "des 'seconde main', cédés par des propriétaires qui misent sur sa popularité", souligne la spécialiste. Donc le mystérieux pochoiriste ne récupère pas un kopeck sur ces adjudications.

"Il a créé un bureau que les galeries et maisons d'art peuvent contacter pour authentifier ses œuvres, le 'Pest control office'", explique Caroline Pozzo di Borgo. Mais il ne fait aucun profit sur cette activité, mise en place pour "empêcher des innocents de devenir victime de fraude", peut-on lire sur la page dédiée. En revanche, le bureau vend parfois des œuvres de Banksy via son site. Mais aucune n'est disponible actuellement, et le service client n'a pas répondu à nos questions sur le rythme et le montant des cessions.

Banksy en bibliothèque

L'artiste urbain britannique publie en 2006 "Wall and Piece", un jeu de mot, comme il les affectionne, sur "War and peace" ("Guerre et paix" en VF), le pavé de Tolstoï. Y figurent les photos de ses œuvres les plus célèbres.

La maison d'édition française AlternAtives en rachète les droits en 2010. Cinq ans après, l'ouvrage titré "Guerre et Spray" reste sa troisième meilleure vente en janvier 2015. "Nous en avons écoulé 50.000 exemplaires, c'est beaucoup. D'ordinaire on est content avec 10.000", explique Sabine Bledniak, la responsable éditoriale d'AlternAtives. Plus fort encore: les ventes ne se tassent pas. "Nous continuons d'en vendre 500 par mois", assure Sabine Bledniak.

En général, les droits d'auteurs s'élèvent à 8% du prix de vente. L'artiste aurait donc touché 100.000 euros sur les ventes de son livre en France. Un montant loin d'être excessif. Il faut dire que son prix n'est pas très élevé. Comme le note l'éditrice, "25 euros un livre illustré, c'est peu quand on sait qu'un simple roman de Gallimard est vendu 21 euros". 

Banksy au cinéma

Pendant la crise des subprimes, la cote de l'artiste dont personne ne connaît le visage baisse. Elle remonte aussi sec avec la sortie, en 2010, d'un film qu'il a écrit, réalisé et dans lequel il joue (masqué, of course). "Faites le mur" évoque les mécanismes du commerce d'art via l'histoire d'un fan de street art qui, grâce à un marketing efficace, devient lui-même un de ses représentants. En tant qu'auteur et réalisateur, Banksy a dû être intéressé aux entrées. En France, le film aurait attiré 122.000 curieux, selon Cinefeed. Pour un documentaire, c'est honorable, mais ce n'est pas l'ovation.

Depuis, sa cote n'en finit plus de grimper. En février 2015, la maison Artcurial, spécialiste du marché de l'art urbain, procède à une vente de l'artiste pour 1,9 million d'euros. Une valorisation en hausse de 40% par rapport à 2014. Mais dont seuls les spéculateurs du marché de l'art profitent...

Nina Godart