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Bataille pour Eurotunnel

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- - Philippe Huguen - AFP

Rebaptisée Getlink, la société est la cible du français Eiffage et de l’italien Atlantia.

C’est une pépite que tout le monde s’arrache. La société Getlink, anciennement Eurotunnel, devient la cible de deux actionnaires. La semaine dernière, le groupe de BTP Eiffage a fait irruption dans son capital en rachetant 5% de ses actions. Le propriétaire des autoroutes APRR (Paris-Rhin-Rhône) envisage de continuer à racheter du capital de l’exploitant du tunnel sous la Manche.

« Ils vont encore monter, c’est sûr », assure un proche de Getlink. « Ils ont beaucoup d’argent à investir , décrypte un bon connaisseur d’Eiffage. S’ils n’en font rien, leurs actionnaires demanderont plus de dividendes ». Leur arrivée a en tout cas été bien accueillie au sein de l’ex-Eurotunnel.

Un nouvel actionnaire accueilli à bras ouverts

Car en mars dernier, l’italien Atlantia avait déjà racheté 15% de Getlink. Le groupe est connu pour être le concessionnaire de l’aéroport de Nice mais vient surtout de racheter les autoroutes françaises Sanef (Nord et Est de la France) de l’Espagnol Abertis. Il n’a jamais dévoilé ses intentions mais sa place de premier actionnaire ne semble guère plaire à la direction de Getlink. « On ne sait pas où ils vont et ce qu’ils veulent faire » explique un proche du groupe.

Contactée, la direction de l’entreprise n’a pas souhaité nous répondre. Atlantia navigue à vue depuis l’été dernier et l’effondrement du viaduc de Gênes dont il est le concessionnaire. Des analystes estiment qu’il pourrait avoir besoin de céder des actifs pour compenser de possibles pertes de contrats. Et que leur part dans Getlink pourrait en faire partie.

Des intérêts communs

Eiffage et Atlantia ont fait la même analyse. L’exploitation du tunnel sous la Manche est devenue très rentable avec plus de 500 millions d’euros de marges. La concession dure encore près de 70 ans, une longévité record quand celle des autoroutes est de 20 ou 30 ans. Et surtout, elle n’est pas régulée par l’Etat ! Autant d’atouts qui font de Getlink une infrastructure unique en Europe. Seul point noir bien sûr, l’incertitude des flux commerciaux après le Brexit.

Les deux actionnaires visent aussi à rapprocher leurs autoroutes avec Getlink. Sanef pour Atlantia et APRR pour Eiffage. L’objectif est avant tout financier. Suite à ces longues années de pertes, l’ancien Eurotunnel a accumulé un déficit fiscal de près de 6 milliards d’euros. La moitié, 2,7 milliards, peut être imputé sur des activités françaises. Ainsi, le rapprochement de APRR ou de Sanef avec Getlink permettrait d’utiliser ces déficits fiscaux pour compenser - à hauteur de 50% - les importants profits des autoroutes et payer ainsi moins d’impôts sur les sociétés. En 2017, APRR a réalisé 706 millions d’euros de profits et Sanef 464 millions d’euros.

Plusieurs fonds d’investissement, dont TCI, sont actionnaires de Getlink et rêvent d’une bataille boursière entre Eiffage et Atlantia. Ils n’excluent pas non plus que les deux actionnaires s’associent pour racheter ensemble le tunnel sous la Manche.